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Interview de FrançoisHouttard, président du Brussells Tribunal.
by André Fraticelli et Yasmine Boudjema Sunday, Apr. 18, 2004 at 9:17 PM

Interview de FrançoisHouttard, président du Brussells Tribunal.

A.F :Quel sens donnez-vous à la juridiction que vous présidez- certes comme vousl avez vous-même défini au départ quelle nétait non pas illégale, mais non fondée sur un texte juridique- pouvez-vous nous préciser sa fonction ?

M.H.: Oui en effet, le tribunal na pas de possibilités de sanctions, même sil peut parfois sappuyer sur le droit international pour donner certains avis. Le but est dalerter lopinion publique sur un problème fondamental qui importe à lhumanité aujourdhui. Il sagit donc dune fonction politique et à la fois éthique.

Le problème de lIrak nous apparaît comme central car nous le vivons -le peuple irakien est en train de le vivre de façon quotidienne et ce problème sont évidemment plus large que lIrak puisque sont impliquée toutes une série de nations, de pays, de puissances. Et que les victimes sont essentiellement des victimes irakiennes !

La spécificité de ce tribunal- qui suite à la session du tribunal Russel de 1967 sur les crimes de guerre au Vietnam, ainsi qua dautres nombreuses sessions dont notamment celle du tribunal permanent des peuples a linitiative dEllio Basso (un sénateur italien qui était lui-même un des membres du tribunal Russel) qui a produit au moins une trentaine de sessions sur différents sujets concernant le Nicaragua, les Philippines ou encore la banque mondiale et le fond monétaire international- est de replacer le problème de lIrak dans tout un ensemble et de montrer que lIrak nest quun incident à lintérieur dune politique plus fondamental.

Aussi, ce qui est en jeu dans notre tribunal, cest danalyser le PNAC : le programme pour un nouveau siècle américain. Il sagit dun document qui a été élaboré en 1997 par des milieux néoconservateurs, à savoir, un petit groupe essentiellement formé dintellectuels très intégrés dans les grandes multinationales américaines qui a essayé de repenser toute la poltique américaine pour lui donner un certain impact sur lhistoire du monde daujourdhui.
Ors, il l se fait que même si ce groupe est relativement minoritaire aux Etats-Unis, il est arrivé au pouvoir avecle président Bush ! Le Pnac est vraiment , ce que lon pourrait appeler lorientation fondamentale de la politique du gouvernement Bush. Aussi, nous avons voulu montrer quelle en était la fonction , cette pensée que lon appelle aux Etats unis, « le think-thank », un groupe de pensée qui essaye dinfluencer lorientation politique et qui est à la base de toute une logique dont lIrak nest quun aboutissement.

Ce que nous constatons également cest que cela va plus loin que la logique que poursuit ce petit groupe arrivé au pouvoir avec le président Bush aujourdhui. Lorsque nous analysons les positions du candidat président Kerry et les politiques qui sont menées par les démocrates dans le passé, cela nous amène à dire que le problème ne résulte pas seulement dun petit groupe qui pense de façon fondamentaliste, mais quil sagit là dune logique politique qui reflète une longue tradition dans lhistoire des Etats- Unis. Et que cette dune logique politique est liée à une logique économique donc à une domination économique.Et que tout ce qui est produit comme justification morale ou idéologique a également un lien logique avec tout cet ensemble dintérêt économique et politique. Nous nous retrouvons donc véritablement devant un empire - nous ne sommes pas anti-américain, je lai dit à linauguration de ce tribunal.en aucune façon. La preuve cest quil y a beaucoup daméricain, ici présents, à ce tribunal, parmis les témoins, parmi les membres de la commission ou de la défense. Ce qui est donc est en jeu, ce nest pas le fait dêtre américain, cest le fait dêtre hégémonique, cest la fait dêtre un empire et aujourdhui au vingt et unième siècle, lempire est américain !

Cest cela que nous voulons dénoncer, avec toutes les conséquences que ca a peut avoir et ainsi pouvoir alerter une opinion publique qui bien sur est de plus en plus consciente de ce que cest lIrak et de plus en plus opposée à la continuation de la guerre en Irak mais qui nest as toujours consciente des tenants et aboutissants de ce quest et a été la guerre en Irak aujourdhui.

A.T : Aujourdhui, on est peut-être a la fois optimiste et un pessimiste face à limperium américain : Un pessismisme ressentit vis-à-vis de limperium américain et un optimisme face à une prise de conscience collective. jentends par-là que le monde sest réjoui par exemple à la destruction du mur de Berlin et on a ainsi détruit avec le bipolarisme des nations comme contexte international.aujourdhui on se retrouve face à une super puissance hégémonique. Faut-il penser que le temps - puisquil faut donner le temps au temps, selon un vieux proverbe portugais- nous permettra de voir lémanation démocratique de la conscience démocratique populaire?

Je crois quil faut être évidemment optimiste sinon on ne croit plus dans lhumanité. Mais ne pensons que le temps se fait tout seul. Par conséquent, il y a un engagement à avoir. Lhistoire navance pas comme un long fleuve tranquilleelle est toujours le résultat dun certain nombre de luttes sociales et cest dans la mesure où cest luttes sociales vont véritablement pouvoir sexprimer et créer tout doucement et le plus rapidement possible, bien sur, un autre pole de force par rapport au pole qui est aujourdhui dominé par le capital international et par le caractère hégémonique de la politique américaine. Cest dans cette mesure où nous pourrons construire cest autre pole, où nous pourrons alors véritablement croire dans nos espérances. Sans cela, elles resteront purement symboliques.

Tout ce que lon voit aujourdhui permet déveiller une espérance, de la garder vivante. Cest que lon a vu au forum social mondial auquel j'ai participé, qui était fort impressionnant par ailleurs. Il y a là une force nouvelle qui est en train de se construire, peut-être difficilement parce que très hétérogène, mais qui se construit comme une conscience collective mondiale face à un système qui reste éminemment puissant. Ce système a en main beaucoup de moyen pour essayer détruire ce mouvement, cette réaction populaire, mais je pense quil est néanmoins obligé den tenir compte aujourdhui et cest déjà quelque chose.

Je résumerai en disant simplement ceci : « lespoir nous ne devons jamais le perdre et nous devons construire un autre type de société ». Mais cela naura de résultat que dans la mesure où cette résistance peut sorganiser, peut avoir les instruments pour pouvoir être efficace.

Cette conscience collective peut-elle avoir une influence sur lestablishment actuelle et quelles en seraient les conséquences économiques, la vision que lon pourrait avoir ?

Je crois que vous poser là tout le problème des alternatifs. Est-quil y a des alternatives à la situation actuelle au marché capitaliste, à ce quon appelle la démocratie parlementaire qui est encore fort limité comme nous le savons.
Il y a t-il des alternatives ? Ce qui est très frappant de constater, notamment lors des grands forums sociaux, cest que ce ne sont pas les alternatives qui manquent. Les alternatives existent dans tous les domaines ; écologiques, économiques, politiques, culturels, il y a des alternatives à tous les niveaux. Depuis le niveau de lutopie, cest à dire, quelle type de société nous voulons, quelle type déducation, de santé, de communication, dagriculture, dentreprises, il y a des idées là dessus !

Il y a aussi des alternatives qui sont proposées sur un plan concret, cest à dire, à moyen terme: quest ce que nous pouvons faire ? A court terme : Est-ce que nous pouvons établir une taxe Tobin pour limiter limportance du capital financierbien sur cela ne va pas encore détruire le capitalisme mais cest malgré tout un pas en avant ? Est-ce que nous pouvons supprimer les paradis fiscaux? Est-ce que nous pouvons décider dabolir la dette du tiers-monde? Il y a là toute une série dalternatives qui existent mais ce qui manque cest la volonté politique de les appliquer.
Donc, ne disons et nacceptons pas quon nous dise quil ny a pas dalternatives.

Regardez on a essayé de faire quelque chose et regardez ce qui sest passé dans les pays socialistes avec le socialisme réel, est-cela une alternative? Bien sur, il y a eu un échec et nous devons étudier et analyser les causes de léchec pour nous rendre compte pourquoi il y a eu échec, pour des raisons internes et pour externes.

Le problème nest pas quil nait pas dalternatives, le problème cest quil ny a pas de volonté politique pour les appliquer. Doù la nécessité de créer une pression populaire qui puisse faire pression sur les décideurs politiques et voir ainsi voir se réaliser les alternatives et arriver réellement à construire. Cest un processus permanent ces utopies et les alternatives ne tombent pas du ciel Cela doit être construit et construit collectivement. Et par ailleurs ce nest pas non plus le royaume de dieu que nous construisons sur terre simplement parce que lon a fait une révolution ou parce quon a changé un système politique, cest un processus constant qui va de la vie quotidienne aux grandes décisions de macroéconomie ou de macropolitique.

La révolution permanente où il faut sans cesse se remettre en cause, nous sommes très loin des grands philosophes et grands utopistes de la révolution de 1989 ( chute du mur de Berlin) et celles qui ont suivi par le monde. Aujourdhui la vrai révolution ne serait pas que les citoyens-électeurs invitent ceux qui ont des mandates à rendre des comptes plus précis?

Bien sur, cest un des mécanismes fondamentaux et qui existe relativement peu dans nos sociétés démocratiques. Je suis frappe de voire, peut-être que lexemple risqué dêtre mal compris, travaillant beaucoup à Cuba, je me rends compte que cest un mécanisme qui fonctionne. Je ne dis pas que Cuba est une démocratie parfaite- pas beaucoup moins que les nôtres- il est un fait néanmoins que les délégués au parlement cubain doivent rendre compte tous les six mois devant des assemblées populaires. Cela fonctionne, c-à-d, qu on leur demande : pourquoi avez-vous fait telle chose ou pourquoi ne lavez pas vous pas fait. Ils sont constamment soumis à ce mécanisme. Je penses que lon pourrait sinspirer de cela dans nos démocraties pour pouvoir avoir un fonctionnement plus souple et beaucoup plus réel de la démocratie.

Ceci dit, cest évidemment la démocratie qui est le moyen , non seulement la fin , mais le moyen fondamental pour pouvoir transformer nos sociétés en démocratie réelles, fondamentales, qui ne se résumeraient pas simplement au fait délire des personnes tous les quatre ans.. Cela est le respect de la démocratie qui certes nous paraît incontournable aujourdhui, mais qui nest qune petite partie de ce qu est vraiment la démocratie.

Où se trouve la démocratie dans notre système économique par exemple? Où se trouvent aussi les possibilités dune démocratie plus participative, plus quotidienne? Nous avons certainement de grandes améliorations à apporter.

Y.B : . Et de quelle façon compter vous réagir face aux dernières propositions de ladministration Bush ? Après avoir tenté de légitimer ses actions sous le couvert des droits de lhomme, elle désire aujourdhui les faire valoir sous le drapeau du développement et de présenter au prochain G8 un document de travail intitulé Partenariat G8 et Moyen Orient »

La réponse est catégorique, cest non! Il nest pas question que l « on » puisse accepter une telle proposition comme semble lindiquer aujourdhui Kofi Annan ou peut-être même Louis Michel. Il nest pas question daccepter quelques solutions que ce soit tant que les américains seront là, et par conséquent, cest la condition fondamentale et tout compromis avec les américains dans ce domaine là me parait comme une manière de prolonger le problème et par conséquent de prolonger la situation de guerre , de violence et de terrorisme.

Il faut , je crois, être extrêmement clair et il faut comme cela sera encore souligné au Brussel Tribunal, il faut laisser la possibilité aux irakiens de prendre une initiative quitte à ce quelle soit appuyer par une communauté internationale mais dans des limites absolument légales et respectant la souveraineté de lirak.

Cest facile aujourdhui pour les américains de dire, oui, aujourdhui, on a cassé la baraque, il faut bien essayer de la reconstruire, et nous ne sommes peut-être pas les mieux placés pour le faire, venez nous aider. Cest cela quil faut absolument dénoncer et refuser parce que on va nous faire beaucoup de propagande et de publicité pour dire : voyez-vous, nous sommes gentils, nous voulons aider les irakiens à se reconstruire, mettons nous tous ensemble, ne pensons plus au passé, abandonnons les querelles de familles que nous avons eu précédemment et joignons nous tous ensemble pour reconstruire lIrak. cest dune hypocrisie absolument incroyable. Je crois que là, nous devons être radicaux et dire non, ce nest pas cela que nous voulons, nous avons des alternatives à proposer.

Y.B : Mais ne craignez-vous pas que les membres du G8 sur le terrain du développement et de léconomie accepteront la nouvelle proposition de Bush and corporated?

F.H : Cest bien la raison pour laquelle, nous devons aussi protester contre le G8. A Gênes, les grandes manifestations, cétaient contre le G8, il nous apparaît comme un instrument de lhégémonie dans le monde. Certains de ceux qui y sont présents sont obligés de faire des concessions pour garder un certain ordre dans ce quils peuvent contrôler mais rappelons que le G8 nest pas un organe démocratique, ni représentatif de lhumanité.

Y.B/Pensez-vous que le développement dune zone de libre échange au Moyen-Orient puisse représenter une alternative à lhégémonie américaine ?

F.H :Ces zones de libre-échange, cest la grande politique américaine. Je peux la résumer en quelques mots : « Ce sont les accords entre le requin et les sardines » car le libre commerce signifie la possibilité pour le plus fort dimposer sa loi. Cest ça finalement qui est en jeu.

Certainement quà lintérieur de certains pays, quelques-uns y verront un avantage parce que certains secteurs de léconomie locale peuvent avoir un avantage à pénétrer le marché nord américain, mais cet avantage nexiste que pour une toute petite partie des intérêts économiques des pays concernés. Cest donc un marché de dupe mais qui est souvent appuyé par les pouvoirs politiques qui existent dans ces pays là parce quils représentent ces secteurs dintérêt économique local et qui abondamment répandent une propagande, une idéologie qui se base sur la liberté et ainsi la liberté de commercer. Ils tirent ainsi avantage de ce pacte où tout le monde est gagnant, comme on dit au USA, une solution « win win ». Mais cest une illusion totale.

Y.B :Et sil sagit dune proposition régionale prise à linitiative des pays arabes pour un développement endogène ?

F.H :Cest autre chose, si les pays arabes désirent de leurs propres initiatives faire un marché d échanges comme le Mercosur ou lEurope, cest bien entendu un pas positif mais à condition quil y ait une autonomie de décision, que cela ne soit pas imposé de lextérieur, et que finalement cela ne soit pas simplement une autre manière de réaliser la globalisation du capitalisme. Puisque qu actuellement la globalisation fonctionne mal sur un plan totalement global, sa relance pourrait sappuyer sur des créations de noyaux régionaux capitalistes.

Je crois que nous devons être en faveur des regroupements régionaux sur un plan économique mais en veillant à ce que leurs finalités dépassent la logique capitaliste pour mieux répondre aux besoins des populations et des gens.

Propos receuillis par André Fraticelli et Yasmine Boudjema

Denken over vrede
by Sam Staples Saturday, Apr. 16, 2005 at 10:14 AM

see http://www.yabasta.be/article.php3?id_article=261