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Discours Debunne/Sleeckx/Van Outrive au Parlement flamand

Discours Debunne/Sleeckx/Van Outrive au Parlement flamand

Voici le discours sur le TCE que Jef Sleeckx a prononcé au nom de Georges Debunne et Lode Van Outrive au Parlement flamand hier.

Explication par Jef Sleeckx de la requête Debunne-Sleeckx-Van Outrive devant la Commission des relations extérieures du Parlement flamand, le 8 novembre 2005

Le 15 juin 2005, Georges Debunne , Jef Sleeckx et Lode Van Outrive avaient déposé une requête devant le Parlement flamand, dans laquelle ils demandent un débat social approfondi et une véritable consultation de la population avant la ratification du Traité constitutionnel européen (TCE). Ils demandent aussi au Parlement d’organiser une série d’auditions contradictoires, avec la participation d’un large éventail de citoyens et de représentants d’organisations démocratiques et sociales. La ratification du TCE par la Belgique requiert l’approbation par les sept assemblées du royaume. Avant l’été, toutes les assemblées avaient ratifié, sans aucun débat digne de ce nom, à  l’exception du Parlement flamand.

La requête Debunne-Sleeckx-Van Outrive était accompagnée d’une pétition, avec laquelle des militants du “non” en Flandre ont parcouru le pays pendant l’été, pour récolter plus de 15.000 signatures soutenant la requête. Le 29 septembre, ces signatures ont été déposées au Parlement flamand. De cette façon, les partisans de cette initiative ont obtenu le droit d’expliquer les raisons de la requête devant la commission des relations extérieures du Parlement.

Nous publions ci-dessous la traduction de l’allocution de Jef Sleeckx qui s’est exprimé le 8 novembre 2005 devant le Parlement Flamand en tant que porte-parole de tous les signataires.

Nous mentionnons encore que l’initiative Debunne-Sleeckx-Van Outrive a reçu un soutien moral considérable de la part des autres forces du Non de gauche en Europe. Un APPEL EUROPÉEN POUR UN DÉBAT DÉMOCRATIQUE SUR LE TCE EN BELGIQUE, lancé en France, a récolté des milliers de signatures, parmi lesquelles celles de Henri Emmanuelli (PS), Marie-George Buffet (PCF), Francine Bavay (Verts), Alain Krivine (LCR), Yves Salesse (Fondation Copernic) et beaucoup d’autres dans le monde syndical et social.

Explication par Jef Sleeckx de la requête Debunne-Sleeckx-Van Outrive
Parlement flamand, Commission des relations extérieures, le 8 novembre 2005

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs membres de la Commission,
Mesdames et Messieurs,

J’aurais préféré être assis dans le public, pour y écouter l’explication de Georges Debunne de la requête dont il est à  l’origine. Il y aurait défendu avec brio pourquoi le citoyen doit avoir son mot à  dire sur le Traité constitutionnel européen. Malheureusement, Georges a des difficultés à  exprimer les mots qu’il a toujours à  dire . C’est pourquoi il m’a demandé de lui prêter ma voix, qui est en effet en meilleure condition, et d’expliquer au nom de Lode Van Outrive, Georges Debunne et moi-même les raisons qui nous ont amenés à  non seulement déposer une requête, mais aussi de parcourir le pays pendant les mois d’été pour interpeller, avec l’aide de nombreux partisans des mouvements syndicaux et sociaux, des milliers de citoyens et leur demander de soutenir par leur signature un message clair à  la représentation parlementaire flamande.

Comment j’ai été amené, à  l’instar de plus de 15.000 personnes, à  soumettre avec Georges Debunne et Lode Van Outrive une requête pareille? Je résume mon parcours personnel en cette matière.

· En tant que citoyen, je m’intéresse beaucoup à  la politique en général, et je suis – dans la mesure du possible – la politique belge tant qu’internationale. C’est sans doute lié à  mon passé, j’ai été membre du Parlement fédéral pendant plus de vingt ans. Par conséquent, mon intérêt pour la chose publique est probablement un peu plus vif que dans le cas du citoyen moyen.
· J’étais très content lorsque la décision de rédiger une constitution européenne a été prise. Une entité politique comme l’UE en a clairement besoin pour fonctionner efficacement et de façon démocratique; c’est en effet une union de 25 pays, et d’autres vont suivre, et elle compte 450 millions d’habitants! Je dois dire que le fait que cette constitution soit rédigée par une Convention (février 2002 – juillet 2003) et non par une Constituante m’irritait quelque peu, sans toutefois m’énerver outre mesure.
· Il y aurait donc finalement une constitution. J’étais confiant au sujet de son élaboration, vu que tous les politiciens aux différents niveaux représentés portent la bannière de la démocratie. Cela me semblait une garantie.
· … jusqu’au moment où je commençais à  suivre sur l’Internet les débats parfois très véhéments entre partisans et adversaires de la constitution, en France aussi bien qu’au Pays-Bas. Ce qui me frappait, et je veux le souligner, c’est que l’opposition ne venait pas seulement des divers courants extrémistes, mais aussi de démocrates très modérés qui s’en préoccupaient beaucoup. En France aussi bien qu’aux Pays-Bas, le projet de constitution a été rejeté par référendum. Ca m’inquiétait beaucoup, et j’ai examiné avec de plus en plus d’attention les nombreux articles.
· Lorsqu’on m’a demandé de déposer une requête avec Georges Debunne et Lode Van Outrive, je n’ai pas hésité un moment. Pourquoi?

Primo, il me semblait normal que, aussi chez nous, les gens sachent ce qui se trouve dans ce projet de constitution européenne. C’est un droit démocratique, pas une prérogative des experts vu qu’il s’agit d’une constitution! Une constitution, c’est tout de même un Pacte entre citoyens et dirigeants. C’est parce que les gens ont approuvé ce pacte qu’ils acceptent d’obéir aux lois. C’est par ce pacte que l’autorité acquiert sa légitimité. C’est ce pacte qui doit protéger les gens contre l’injustice et l’arbitraire, rien de plus et rien de moins. C’est pourquoi nous demandons, ensemble avec plus de 15.000 signataires de la pétition, qu’il y ait un débat approfondi avant de ratifier. Nous demandons que les partisans et les adversaires puissent évoquer leur point de vue dans des auditions parlementaires, afin que le Parlement flamand soit le porte-parole de la population. Nous faisons remarquer que le calendrier européen nous donne tout le temps nécessaire, il n’y a aucune raison de se précipiter, et il y a tout l’espace pour organiser la consultation. Nous avons parfois fort l’impression que tout doit être terminé à  la dare-dare, et que des pressions considérables sont exercées pour que cette constitution soit votée aussi vite que possible. Vu qu’il s’agit d’une constitution, la hâte est une mauvaise maîtresse. Après les débats au Parlement, et après des débats grand public, on pourrait procéder à  un référendum; de cette façon, les citoyens pourraient émettre un oui ou un non, en connaissance de cause. Il s’agit, je le répète, d’une constitution!
Secundo: Ma confiance aveugle dans le déroulement démocratique était aussi secouée lorsque j’apprenais qui étaient les autres signataires de la requête, Georges Debunne et Lode Van Outrive. Georges Debunne: un monument pour l’Europe des travailleurs, président pendant des années de la Confédération Européenne des Syndicats avec ses 60 millons de membres, et de la FERPA (Fédération Européenne des Retraités et des Personnes âgées), auteur d’un livre extrêmement intéressant A quand l’Europe sociale?, en d’autres termes un expert exceptionnel de l’Europe et de ses institutions, un homme d’expérience, une personnalité européenne, le symbole de l’Europe sociale, qui recevait récemment le Prix de la Démocratie à  Gand. Et Lode Van Outrive, professeur émérite à  l’Université Catholique de Louvain, ancien membre du Parlement européen, un autre excellent connaisseur de l’Europe. Quand ces personnes proposent de déposer une requête pour insister sur un déroulement démocratique, ce n’est pas par velléité passagère.

Nous voulons insister sur le fait que nous parlons au nom de plus de 15.000 personnes, qui ont tous signé la pétition pour demander un débat aussi large que possible. Ces signatures ont été récoltées d’Ostende à  Liège, de Charleroi à  Lanaken , dans des entreprises, aux Fêtes de Gand, à  Rimpelrock, lors de réunions syndicales. Cela exigeait souvent une discussion intense sur la constitution européenne, ce qui n’était pas évident vu que maintes fois nous étions les premiers à  leur en informer. Mais ces discussions nous prouvaient aussi que ces milliers de signataires voulaient autre chose qu’un bavardage entre politiciens. Et encore…, le “débat” à  la commission du Sénat belge était d’un niveau à  faire rougir, avec seulement une poignée de sénateurs; sans les coups de téléphone, la commission n’aurait pas pu voter valablement! Et ceci, Mesdames et Messieurs, pour une constitution européenne!

Pendant cette récolte de signatures il est apparu clairement que la grande majorité voulait être informée sur cette constitution, d’autres disaient qu’ils étaient contre, et la plupart voulaient se prononcer par référendum après une campagne d’information. Presque tous les signataires étaient de l’avis que seuls des débats publics “comme en France”, où émergent les arguments du oui et du non, permettent à  chacun de se faire sa propre opinion. Nombreux étaient ceux qui vilipendaient la façon quasi secrète avec laquelle les autres parlements de ce pays ratifiaient la constitution. Beaucoup ont signé pour améliorer les chances d’un débat éclairant.
Nous avons aussi constaté que bien de personnes partagent nos soucis personnels sur le projet actuel de l’Union européenne. En effet, personnellement nous trouvons que cette constitution doit être rejetée, parce qu’elle est – pour citer Georges Debunne – dangereuse. Je sais très bien, Mesdames et Messieurs, que l’assentiment ou le rejet n’est pas le sujet de cette requête. Mais je voudrais bien vous informer que notre “tour de Belgique” avec la pétition nous a appris que bien des gens associent l’UE avec un projet pour le big business, avec le recul social, avec la liberté pour les marchés au lieu de celle des citoyens.

Nous vous informons aussi du fait qu’un Appel européen pour soutenir la requête Debunne circulait en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et au Luxembourg, et que des milliers l’ont signé, parmi lesquels des leaders politiques de premier rang comme Henri Emmanuelli du PS français, Marie-George Buffet, présidente du Parti Communiste Français, Francine Bavay des Verts, des académiciens, des syndicalistes et de simples citoyens. Nous espérons, Mesdames et Messieurs les parlementaires, que vous partagez notre satisfaction concernant cet intérêt pour la discussion constitutionnelle en Flandre! Ce serait une excellente occasion pour donner corps à  l’idée “Ce que nous faisons nous-mêmes, nous le faisons mieux” . Et vous concéderez qu’il n’est pas très difficile de mener le débat en Flandre sur un plan plus démocratique que cela a été le cas aux autres assemblées en Belgique. Et ce serait sans doute une bonne occasion pour colmater partiellement la fameuse brèche entre citoyens et politiciens, en organisant des débats publics et des auditions parlementaires sur le constitution européenne, comme nous le proposons dans les points 1 et 3 de notre requête.

Laissez-moi maintenant expliquer pourquoi nous nous préoccupons fort, ensemble avec des milliers de concitoyens, de la qualité démocratique du projet européen tel qu’il est exposé dans la constitution, et pourquoi nous voulons un débat approfondi dans la société à  ce sujet, dans lequel non seulement les partisans prennent la parole, mais aussi les adversaires et les porte-parole d’organisations sociales et démocratiques.

La première chose qui saute aux yeux en regardant la constitution, c’est son épaisseur: 482 pages, qui bat tous les records, c’est chose unique au monde! S’y ajoutent une myriade de renvois, qui la rend illisible au commun des citoyens (parmi lesquels je me compte moi-même). En fait, cette constitution n’est lisible que par des experts, et encore ! Ceci ne peut être l’intention pour une constitution. Le premier principe du droit constitutionnel, c’est qu’une constitution doit être lisible. La raison de cette obésité est claire dans la table des matières: plus de 70% des 448 articles se trouvent dans la partie 3, et traitent d’une orientation politique bien définie.

Ce qui nous renvoie au deuxième principe du droit constitutionnel: une constitution n’impose pas l’une ou l’autre politique, elle permet le débat politique sans en fixer l’issue. Une constitution n’est ni socialiste, ni libéral, ni catholique. Une constitution n’a pas de partis pris, elle est au dessus du débat politique.

Une constitution ne peut tout de même pas imposer une politique à  mener! Une constitution ne peut que fixer les “règles du jeu” qui sont à  respecter par ceux qui prennent les décisions. La constitution, c’est la loi fondamentale, c’est le droit du droit. Ce texte par contre est partisan, c’est le moins que l’on puisse dire. Le président de la Convention, Giscard d’Estaing, en est probablement conscient lorsqu’il dit qu’il ne faut pas lire cette troisième partie!

Nous donnons un seul exemple. Dans l’article I-3, on lit:

L'Union Å“uvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement.

On assume donc sans plus qu’une croissance économique équilibrée, le plein emploi et le progrès social soient compatibles avec une économie sociale de marché hautement compétitive !! Soit dit en passant, c’est aussi ce dogme qui est à  la base de la Stratégie de Lisbonne: le bien-être par plus de concurrence… Dès les premiers articles, la “concurrence libre et non faussée” est inscrite dans le traité. Nous constatons donc que cette constitution ne fixe pas les règles du jeu politique, mais le jeu lui-même. Il n’y a plus aucune raison de mener le débat sur d’éventuelles alternatives, comme toute alternative est explicitement exclue dans le texte suprême…

Ce qui nous mène au troisième principe du droit constitutionnel: une constitution démocratique est révisable. Tous les peuples au monde qui vivent dans une démocratie peuvent changer leur constitution. Une constitution doit bel et bien donner une base solide, et ne pas être adaptable arbitrairement aux besoins du moment. Mais elle ne peut pas être un verrou sur d’éventuelles évolutions dans les conceptions ou relations sociales. Or, pour réviser cette constitution une fois approuvée, il faut suivre la même procédure que celle avec laquelle elle a été réalisée: feu vert du Conseil européen, convocation d’une Convention qui soumet un projet à  une Conférence Intergouvernementale (CIG), l’accord de cette CIG, ratification par les états-membres… Et il s’agit d’au moins 25 états-membres. Pour changer une seule virgule dans ce texte, il faut l’accord unanime des gouvernements et puis celle des peuples (parlements ou référendum). Cette double unanimité garantit l’intangibilité, et a pour conséquence que si une majorité des Européens veut changer sa loi suprême, elle ne le pourra pas. C’est alarmant. C’est inacceptable pour une constitution.

Quatrième principe du droit constitutionnel: une constitution démocratique protège contre l’arbitraire par la séparation des pouvoirs (pouvoir législatif, exécutif, judiciaire) et le contrôle réciproque des pouvoirs.

Il est donc essentiel de séparer les pouvoirs et de garantir leur contrôle afin de protéger contre la tyrannie. Pas de confusion des pouvoirs, pas de pouvoir sans contre-pouvoir! Le parlement fait les lois, mais ne les exécute pas, le gouvernement s’occupe de leur exécution mais ne les écrit pas. De cette façon, aucun pouvoir n’est à  même d’imposer elle seule sa volonté. Si l’un des pouvoirs juge que l’autre se comporte de façon inacceptable, il peut le révoquer: le parlement peut faire tomber le gouvernement, le gouvernement peut dissoudre le parlement. Chaque pouvoir se voit contrôlé, et c’est essentiel dans une démocratie.

Et comment la constitution européenne s’y prend? Est-ce qu’elle prévoit des institutions conformes aux principes mentionnés ci-dessus?

a) Nous constatons d’abord que le Conseil, c.à .d. le Conseil des ministres ou le Conseil de l’Union européenne, est compétent dans le domaine législatif pour toutes les matières, tandis que ce Conseil est non-élu, et qu’il combine le pouvoir législatif avec le pouvoir exécutif. C’est une violation manifeste du principe de la séparation des pouvoirs, c’est aussi une violation du principe que le pouvoir législatif incombe à  un corps élu.

b) Nous constatons deuxièmement que le seul corps élu, le Parlement européen, n’a qu’une compétence législative très restreinte. Je m’explique.

- Combien de gens savent qu’un membre du Parlement européen ne peut pas lui-même faire des propositions de loi? L’initiative législative dans le domaine communautaire est en effet un monopole de la Commission européenne ! On peut se demander de quel type de parlement il s’agit si ses membres ne peuvent pas proposer une loi? Qu’est-ce que ce parlement dirait s’il ne pouvait voter que sur des propositions du gouvernement?

- Ensuite, le parlement n'est compétent qu' en certaines matières : il y a des exclusions importantes, la politique extérieure, la défense, la fiscalité et bien d'autres domaines. Même concernant le budget européen, sa compétence est limitée puisqu'il appartient au Conseil de dresser le “plan pluriannuel” et que le budget annuel doit cadrer dans ce plan.

- Le Parlement Européen ne peut donc voter que sur un nombre limité de matières, et uniquement sur les propositions de la Commission, mais même dans ce cas il s'agit toujours d'une compétence partagée avec le Conseil. Je parle donc de la procédure de “co-décision”. En regardant de plus près cette procédure, l'on se rend compte qu'il s'agit en fait d'un droit de veto. C'est mieux que rien, mais comme instrument législatif c'est très rudimentaire. Il est donc plus qu'évident que ce n'est pas le Parlement qui fait les lois européennes!

- Il y a encore nombre de matières pour lesquelles le Parlement est uniquement consulté, sans aucune valeur contraignante.
Qui plus est, la constitution introduit une forme de “lois qui ne sont pas des lois”, des actes juridiques qui donnent au Conseil et à  la Commission des compétences qui en fait ne reviennent qu'au pouvoir législatif.

Le tout est en plus très chaotique et manque de transparence, de façon à  ne permettre qu'à  un “super-cerveau” de savoir qui dans l’UE est compétent pour quoi, suivant quelle procédure, avec quel type de majorité etc. Pourtant, la constitution avait pour mission de rendre intelligible la construction européenne…
Le manque de transparence est de mise. Des politiciens habiles peuvent en abuser. Par exemple, l'on peut dire que le Parlement codécide en matière de politique environnementale d'après l'article constitutionnel III-234. C'est vrai, mais le deuxième paragraphe de cet article énumère une série d'exceptions, dont pas les moindres, pour lesquelles le Conseil décide seul.

Nous pourrions allonger davantage cette liste: la politique sociale, la politique agricole, la politique commerciale etc. Quelque part le Parlement apparaît, mais en regardant de plus près, il s'avère que les décisions pertinentes sont prises ailleurs.

c) La Commission européenne est une bureaucratie non élue qui est désignée par les gouvernements, mais elle détient, comme mentionné, le monopole de l'initiative législative dans les matières communautaires. En outre, elle détient un pouvoir excessif qui lui est délégué par le Conseil, p.ex. en matière de politique de concurrence.

d) Et puis, il y a le Conseil européen, c.à .d. les chefs d'état et de gouvernement. A nouveau un organe non-élu, que l'électeur ne peut pas sanctionner, mais qui dresse les grandes lignes de toute la politique.

Cinquième principe de droit constitutionnel : une constitution démocratique accorde aux citoyens une série de droits, aussi bien individuels que sociaux.

On a fait grand bruit de l'incorporation de la Charte des Droits fondamentaux dans le projet de constitution. Pourtant, point besoin d'être spécialiste pour constater que cette Charte a une portée très limitée. En effet la Charte ne s'adresse pas aux citoyens mais aux institutions, aux organes et aux instances de l'Union et aux états-membres pour autant qu'ils exécutent le droit de l'Union. Il n’en découle aucune nouvelle compétence ou aucune nouvelle tâche pour l'UE (Voir Art. II-111)

En outre, chaque fois qu'on rend possible la rédaction de nouvelles lois européennes, l'on se heurte à  la même formule : selon la législation nationale ou les pratiques nationales. Ainsi aucune percée n’est réalisée en matière de droit de grève transnational ou européen puisque la régulation est à  nouveau ... sselon la législation nationale.

Sur le plan des droits fondamentaux comment interpréter “ le droit de travailler”? Le droit au travail aurait relevé un autre espoir, surtout dans une Europe avec plus de 20 millions de chômeurs.
Certes, il y a le droit à  la limitation de la durée maximale du travail, mais sans aucune précision. La directive actuelle sur le temps de travail constitue elle aussi une limitation de la durée maximale du travail; mais elle permet des semaines ouvrières de 70 heures!

Pour que les droits puissent être exercés, les autorités doivent disposer d’instruments. Parmi ceux-ci ressortent d'après nous aussi les services publics qui, libres de tout intérêt commercial sont à  même de fournir des services universels à  tous les citoyens, avec des modalités qui sont définies non par le marché mais par la communauté. Eh bien, la constitution confirme la politique néolibérale: les services publics ne sont pas reconnus, il ne reste que des 'services d'intérêt économique général' qui doivent être soumis aux règles de la concurrence.

Donc aussi sur ce plan, la constitution ne semble pas répondre aux attentes que nous nous sommes permis d'en espérer.

J' arrive maintenant au point 2 de notre requête où il est dit : 'Nous pensons qu'il serait utile dans ce contexte d'envisager à  nouveau la possibilité d'une « consultation préparatoire à  la politique ».

Avec beaucoup d'autres, nous sommes convaincus qu'un texte fondamental aux implications conséquentes tel que le projet en cours d'une constitution européenne, doit être approuvé directement par les citoyens, et que la voie représentative offre une légitimité insuffisante.

Dans ce contexte, je veux remarquer au préalable que même un référendum ne pourrait être qu'un des éléments d'une constitution élaborée démocratiquement.
Le projet de texte même devrait être le résultat d'une constituante légitimée démocratiquement, ce qui comme nous l'avons exposé dans notre introduction, n'est nullement le cas de cette constitution européenne. La convention était le résultat d'arrangements entre partis et gouvernements et qui plus est était dominée par une présidence autoritaire. Le projet de texte a été modifié ensuite à  huis clos par la CIG, un organe qui, lui non plus, ne brille pas par une légitimité démocratique.

Donc si, dans notre deuxième proposition de la requête, nous plaidons pour un référendum, ce n'est pas uniquement parce qu'un texte fondamental qui se veut donner des allures constitutionnelles doit être approuvé de toute façon par la population, mais aussi parce que dans le cas précis du traité constitutionnel européen, le référendum offre un dernier verrou contre un document généré de manière non démocratique qui risque d'être imposé à  la population par les gouvernements.

Jusque là  une remarque préliminaire.
En ce qui concerne le point 2 de notre requête, vous admettrez qu'il est minimaliste. Il y est question d'une “consultation préparatoire à  la décision politique” car nous ne voulions pas être immédiatement stoppés dans notre élan démocratique par ce qu'on appelle les obstacles constitutionnels à  une consultation populaire. Avec à  l'esprit la consultation relative au plan Copernicus de 2000, pour laquelle les autorités fédérales ont envoyé 8 millions de formulaires d'enquête, nous pensions pouvoir proposer une formule certes insuffisante, mais néanmoins réalisable.

Il apparaît à  présent que le NVA, le parti du ministre chargé entre autres des Affaires étrangères, a lui-même rédigé, il y a quelques jours à  peine, un décret organisant une consultation populaire en Flandre sur le Traité instituant une constitution pour l'Europe. Nous nous y associons volontiers et pouvons souscrire à  une part importante de l'argumentation.

Je souhaite citer le passage suivant qui en est extrait:

“ En 2005, une constitution européenne doit être soutenue par une majorité démocratique. Un débat au Parlement européen constitue une base insuffisante pour les différents pays. Pour la Belgique plus spécifiquement, le débat au Sénat était médiocre. Puisque les autorités fédérales ne l'ont pas fait, la Flandre représente la dernière chance de faire approuver la constitution au moyen d'une consultation populaire. La Flandre doit saisir cette chance. En outre, l'organisation d'une consultation populaire flamande offre à  la Flandre la possibilité de se profiler positivement, tant au niveau national qu'européen, comme une région et entité fédérée qui participe de manière effective aux décisions en matière d'affaires européennes. De cette manière, l'occasion peut être saisie pour former les citoyens, ce qui augmente la légitimité de l'Europe. L'importance d'une consultation populaire est en effet reconnue par de nombreuses personnes en Flandre. Ainsi, le précédent accord de gouvernement flamand (de 1999) prévoyait encore ce qui suit, sous les mots “davantage de participation”: 'En attendant l'introduction du référendum contraignant et du décret populaire, le référendum consultatif est introduit afin de pouvoir associer plus étroitement les citoyens aux décisions politiques.' ”

Voici pour le passage du texte d'un parti du gouvernement.
Nous proposons donc au Parlement flamand de soutenir ce décret, afin qu'une consultation populaire puisse avoir lieu. Nous suggérons à  ce sujet que la brochure dont il est question à  l'article 9 du projet et qui doit informer la population d'une manière objective ne soit pas élaborée sous les auspices du gouvernement flamand, mais par une commission indépendante!!!

Par l'organisation d'une consultation populaire, après un débat de société approfondi comme nous le proposons dans le premier point de notre requête, les autorités flamandes rendraient un énorme service aux principes démocratiques, à  la crédibilité aux yeux de ses habitants, à  la question européenne, et elles pourraient en partie réparer le préjudice porté à  ces principes par l'assemblée fédérale et les autres assemblées.
Nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que nous ne verrons pas d'ici quelques mois, dans les gares ou les bureaux de poste, des dépliants dans lesquels le gouvernement flamand, à  l'instar du gouvernement fédéral, affirme que 7 ou 8 Flamands sur 10 sont pour la constitution européenne si cette affirmation ne repose pas sur une véritable consultation.

J'en arrive au troisième point de notre requête, dans lequel nous vous enjoignons d’organiser aussi au Parlement un nombre d’auditions contradictoires, avec la participation d’un large éventail de citoyens et de porte-parole d’organisations sociales et démocratiques.
En effet, on peut difficilement s'imaginer comment un débat éclairant pourrait avoir lieu entre des partis qui étaient d'accord, manifestement dès le départ, sur le fait que la constitution devait être approuvée. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes d'avis que vous devez ouvrir grand les portes et fenêtres de cette institution, que vous devez donner la parole à  des citoyens qui, en tant qu'individus ou porte-parole d'une organisation, d'un mouvement ou d'un groupe d'étude, ont pris la peine de se plonger dans cette matière complexe. Selon toute apparence, il vous est difficile d'imaginer que quelqu'un puisse rejeter cette constitution. C'est pourquoi nous vous proposons d'entendre les voix critiques, celles qui ne partagent pas votre grande unanimité.
Nous pensons ici en particulier à  trois mouvements:

1. Le mouvement syndical
Le monde du travail est de toute évidence fortement concerné, étant donné que la constitution proclame dans des dispositions précises la liberté du capital, tandis que les libertés et les droits des travailleurs, qui devraient entrer en ligne de compte dans la deuxième partie de la constitution, dans la fameuse "charte", n'offrent dans bien des cas aucune garantie.
Ces derniers mois et semaines, vous avez également pu constater que la politique concrète menée par l'UE est contestée par des syndicats. Nous pensons à  la directive Bolkestein, à  la directive portuaire, à  des mesures telles que le pacte entre les générations, qui sont directement inspirées de la “Stratégie de Lisbonne” européenne. Si vous estimez que cette contestation n'est pas fondée, engagez alors le débat, défendez votre vision, mais donnez au moins la parole à  ces autres voix.

2. Le mouvement altermondialiste
On prétend souvent que l'UE est la réponse aux conséquences néfastes de la mondialisation. Il est facile d'affirmer cela, surtout si l'on néglige les autres opinions sur ce point. Votre point de vue serait grandement renforcé s'il osait se confronter avec des avis opposés. Nous tenons à  vous rappeler qu'Attac a joué un rôle extrêmement positif dans la popularisation du débat sur la constitution en France. Chez nous aussi, Attac-Flandre a, dès la phase des discussions de la convention, rapproché la problématique de l'unification européenne du citoyen au moyen de textes et de débats. Il ressort des nombreuses publications à  ce sujet que ce mouvement reconnaît particulièrement clairement la nécessité d'un projet européen ambitieux, et c'est précisément pour cette raison qu'il pose un regard critique sur le traité constitutionnel. C'est pourquoi nous pensons que vous devez également connaître son analyse pour pouvoir peser le pour et le contre de la ratification de la constitution en tant que députés bien informés.

3. Le mouvement pacifiste
Devons-nous 60 ans de paix à  l'UE? Les efforts visant davantage d'intégration de la politique étrangère et de sécurité, telle que fixée dans la constitution, sont-ils un signe encourageant pour la paix dans le monde? A nouveau, il est aisé de l'affirmer si l'on ne veut entendre aucune autre voix, mais cela est plus crédible si l'on confronte ces affirmations avec d'autres. La Flandre comporte depuis longtemps, et l'on peut s'en réjouir, un mouvement pacifiste solidement établi. Invitez ici ses représentants, écoutez leurs analyses solidement étayées, cela élargira votre propre compréhension et appuiera votre volonté d'un dialogue ouvert.

Conclusion

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres de la commission, la balle est dans votre camp. Vous pouvez choisir la voie de la résistance minimale, comme l'ont fait vos collègues fédéraux et ceux des autres assemblées, et ratifier la constitution dans le plus grand silence, avec un soupir de soulagement. Dans ce cas, vous ne devrez plus jamais vous plaindre du “manque d'intérêt du citoyen pour la question européenne”, ni même du manque d'intérêt pour ce qui ce passe en ces lieux. Car vous avez une autre possibilité de choix, à  vrai dire le seul choix possible pour une représentation démocratique: organisez un débat de société réellement approfondi, informez le citoyen et informez-vous vous-mêmes, et laissez ce citoyen avoir son mot à  dire sur l'avenir de l'Europe, c'est-à -dire son propre avenir.

On parle souvent d'un fossé entre les citoyens et les responsables politiques (comme je l'ai dit plus haut); eh bien, Mesdames et Messieurs les responsables politiques, vous avez à  présent une occasion unique de combler en partie ce fossé. Ne laissez pas passer cette chance; comme je l'ai dit, il s'agit d'une occasion unique.