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La loi sur les brevets : mode d’emploi d'appropriation du travail
by Laurent Duprès Monday, Dec. 20, 2004 at 6:44 AM
laurent_dupres@hotmail.com FruitStreet, 30 Boston MA02114 U.S.A.

J’ai focalisé mon attention sur les commentaires très pointus donnés par des Européens issus de l’Office Européen des Brevets – O.E.B. en Français, ou E.P.O. pour European Pattent Office en Anglais

La loi sur les brevets : mode d’emploi

J’ai assisté la semaine dernière à une très intéressante présentation donnée par une délégation représentant les différentes organisations de brevetages nationaux et supranationaux existant dans le monde. La séance était initiée par un cercle d’étudiants américains sur le campus de M.I.T. à Boston. J’ai focalisé mon attention sur les commentaires très pointus donnés par des Européens issus de l’Office Européen des Brevets – O.E.B. en Français, ou E.P.O. pour European Pattent Office en Anglais.

Les lois qui régissent la protection des droits intellectuels vont en réalité beaucoup plus loin que nous ne pouvons l’imaginer et constituent un réel pilier économique et politique, mis en place pour asseoir la domination des riches sur les pauvres, du Nord contre le Sud.

En effet, actuellement, déposer au niveau national un brevet sur l’exploitation d’une idée originale s’avère peut courante, surtout en Europe ou les frontières sont tombées, du moins en ce qui concerne le commerce des entreprises. Ainsi, c’est au niveau européen qu’il faut s’adresser, et plus particulièrement à la puissante Direction Générale des Affaires Economiques, ou dans un jargon plus protégé, la « DG1 ». Au sein de cette direction générale, se trouve le département scientifique, l’office en question. N’importe qui a le droit de déposer un brevet européen, pour des durées qui peuvent varier et qui varient surtout avec l’épaisseur de votre porte-feuille. Car l’introduction d’un dossier à lui-seul s’avère prohibitif : il faut compter pour un dossier sérieux, près de cinquante mille euros (prix de base, frais judiciaires non inclus). Autant dire que le quidam de la rue n’aura pas l’idée saugrenue d’aller au siège central de Munich pour faire valoir ses idées. Et c’est bien là que se situe la deuxième caractéristique ahurissante de la loi sur les brevets. Le dépositaire ne doit pas forcement être l’inventeur en lui-même.

Par exemple, votre voisin vient de mettre au monde une merveille technologique capable de soigner les patients atteints du VIH. Etant conscients de votre coté des répercutions financières que cela peut apporter, vous déposez un brevet au siège le plus proche de l’OEB (Den Haag, Berlin ou Munich). Le traitement d’un dossier se fait de manière scientifique, mais cela n’induit pas en fait une objectivité controllée. L’acceptation d’un brevet n’est due qu’a l’appréciation et a l’approche scientifique et juridique de deux personnes agréées. Ces examinateurs (Pattent Examiners) apparaissent la plupart du temps être des physiciens ou des ingénieurs, et non des financiers ou des juristes. En ce sens, nous pourrions imaginer que d’autres manœuvres douteuses, de type protectionniste ou lobbyiste par exemple, peuvent avoir lieu dans le dos de ces examinateurs qui disposent en tout et pour tout d’une seule base de données, ou ils comparent ce qui existe d’une part, et le candidat au brevet d’autre part. Cette procédure peut traîner pendant des années. Néanmoins, en cas d’acceptation et de délivrance du brevet, ce dernier prend cours à la date de dépôt et expire à une date fixée.

Revenons donc à notre histoire de voisinage. Apres deux années de patience, vous obtenez enfin votre brevet, sans pour autant que votre voisin ait pensé un seul instant que vous lui faites un enfant dans le dos. Il a pour sa part commencé l’exploitation commerciale de sa trouvaille et se retrouve tout de suite poursuivi pour violation sur les droits de propriété intellectuelle. Ces lois sont à ce jour, extrêmement répressives et les montants des amendes colossaux. En transposant notre petite histoire assez simpliste dans le monde capitaliste, nous prenons enfin conscience de ce que signifie la « propriété intellectuelle ». Il s’agit d’un attirail de lois iniques d’appropriation du travail d’autrui par une minorité oligarchique, car les lois sont faites par les capitalistes, pour les capitalistes.

Cette brimade intolérable que le monde s’inflige à lui-même est chaque jour relatée dans la presse, mais suffisamment déformée pour retourner l’opinion publique contre ses propres intérêts. Je vais évoquer deux cas qui me sont connus de par ma propre expérience mais qui sont aujourd’hui rangées au rang d’histoires somme toute banales. La première concerne une affaire judiciaire en cours ici aux Etats-Unis. Plusieurs sociétés se disputent le marche juteux de la thérapie non-conventionnelle contre le cancer. L’usage de cyclotrons, afin de projeter des particules positives contre l’ADN des tumeurs, est réalisé et cela depuis plus de cinquante ans maintenant. Pourtant, une compagnie californienne, nommée Optivus, poursuit tous les hôpitaux concernés, ainsi que toutes les sociétés concernées dans le monde pour fraude et violation de la propriété intellectuelle. Ce qui nous a frappe à l’évocation de cette histoire rocambolesque, réside dans le fait que la société californienne n’a jamais réalisé – ne fut-ce qu’un plan – dans les faits un des projets pour lesquels elle a déposé tant de brevets. Il est question de plusieurs dizaines de millions de dollars de dépôts pour US Pattent (l’Office Americain), et de près de cinq cent millions de dollars de « royalities », c’est a dire de dédommagements. L’histoire demeure pathétique a ce point qu’au tribunal, la société californienne a exhibé des photos des hôpitaux traitants des patients en Proton Thérapie, pour attaquer ces mêmes hôpitaux. Cette société californienne, Otpivus, est en passe d’obtenir gain de cause ! Il s’agit ici en réalité d’une « petite » entourloupette, mais qui fait jurisprudence. Les tribunaux américains ont tout à gagner de cette décision, en ce sens qu’elle permet aux sociétés américaines de poursuivre, par exemple, toutes les sociétés chinoises, indiennes et les autres du tiers monde. Ainsi, le système des brevets – qui stipule qu’il suffit de décrire un « concept » - constitue une extension légale de l’appropriation du travail d’une classe sociale par une autre, d’un régime colonial contre ses colonies. Car de toutes façons, nous avons bien compris que le prix prohibitif de l’introduction d’un brevet, suffit a réserver cette législation à une caste de gens, qu’on appelle les « initiés ».

Le deuxième exemple reste dans le domaine de la recherche. Nombre d’étudiants de pays du sud viennent en Occident trouver un enseignement ou ils auront la possibilité d’approcher un appareillage de pointe, ou ils auront l’occasion de voir ce qui se fait de bien dans le monde au sens technique du moins. Aux Etats-Unis, on estime que la quasi totalité des chercheurs de haut niveau sont issus de l’immigration et seul les directeurs de recherche – qui s’avèrent être des managers et non des scientifiques – sont choisis parmi les Américains. Parmi ces étudiants brillants, un grand nombre viennent de Chine (47%, et ce chiffre est plafonné par une loi exclusive à leur encontre), Inde, Vietnam, Bengladesh, Pakistan et Corée forment environ 35 autre pour cent. Les résultats de la recherche sont publiés sous le nom du titulaire et l’étudiant n’a qu’a ramasser son diplôme et plier bagage. Cette procédure, communément admise, constitue aussi une forme d’exploitation, celle des cerveaux. La plus-value réalisée sur les résultats de la recherche peuvent être estimes à plus de 99% dans la grande majorité des cas. En fait, la plupart des étudiants ignorent même qu’ils sont impliqués dans un projet de recherche, surtout lorsque celui-ci trouve des applications militaires. Ils sont assez souvent invités à demeurer aux Etats-Unis avec une carte verte à la clé et un poste subalterne quelque part dans l’industrie. Personne ne s’émeut de la situation et a tendance à porter l’étudiant comme un « exemple de réussite ».

Ces deux exemples doivent a mon sens bien nous faire réfléchir sur la nature de notre système, ainsi que sur ce que les médias entendent par « le dynamisme occidental » (entendez capitaliste). Je crois que le système mystifie par des artifices subtils les petites gens. C’est à nous de le dénoncer.

PhD. Laurent Duprès, un expatrie belge chez les cow-boys
FruitStreet, 30
Boston MA02114
U.S.A.