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Mot prononcé par Mme Venantie Bisimwa Nabintu à l’ occasion de la cérémonie de son couronnement par l’UCL au titre de Docteur h

Mot prononcé par Mme Venantie Bisimwa Nabintu à l’ occasion de la cérémonie de son couronnement par l’UCL au titre de Docteur h

Louvain La Neuve, le 02 février 2010 : Mot prononcé par Mme Venantie Bisimwa Nabintu à l’ occasion de la cérémonie de son couronnement par l’UCL au titre de Docteur honoris causa

Monsieur le Recteur de l’Université Catholique de Louvain,
Mme et Messieurs les lauréats Docteurs honoris causa,
Mesdames, Messieurs les membres de la grande communauté universitaire de l’UCL
Mmes, Mlles et Messieurs qui depuis Septembre 2009, vous démenez pour notre arrivée en Belgique et pour y passer un séjour agréable
Distingués invités, chers compatriotes
En ce jour mémorable du 02 février 2010, où l’Université Catholique de Louvain nous décerne le titre très prestigieux de Docteur honoris causa dans le cadre du thème « Les crises : l’opportunité d’innover », nous exprimons notre sentiment de gratitude à vous tous ainsi qu’à tout le peuple Belge pour la pensée et l’action positives envers l’Afrique en général et la République Démocratique du Congo, mon pays, en particulier, et plus spécifiquement envers la femme africaine.
Depuis que le titre de Docteur honoris causa m’a été révélé par la lettre officielle du Recteur de l’UCL datant du 15 Septembre 2009, nous recevons beaucoup de messages de félicitations, d’encouragement de la part des gens qui se reconnaissent dans ce titre. Du Sud Kivu à Kinshasa, des groupes de la société civile, du monde universitaire et de cadres politiques s’organisent spontanément pour l’accueil, l’information et la vulgarisation du message sur le titre de Docteur honoris causa. Quand nous constatons cette spontanéité et cet honneur sur notre modeste personne, nous réalisons notre responsabilité vis-à-vis des attentes énormes suscitées par ce titre dans une société instable, exigeant de plus en plus d’innovations.
En fait, la RDCongo est l’un des pays africains les plus instables. En 43 ans d’indépendance, de 1960 à 2003, le Professeur Mulyumba à dénombré 10 guerres, soit en moyenne une guerre tous les quatre ans.
Particulièrement, les guerres démarrées en 1996 et 1998 ont eu un caractère spécial, celui d’avoir été sous procuration à travers les pays voisins d’une part et ciblaient les populations civiles avec accent sur les leaders et les femmes, d’autre part. (Guerre par procuration, HRW). Ces guerres d’accès aux ressources naturelles ont permis aux pays voisins de réaliser leur propre agenda lié à l’implantation des populations, au dépeuplement progressif de la RD Congo suite aux massacres et aux violences sexuelles, à la désagrégation des structures sociales et économiques en décapitant le leadership coutumier, religieux et intellectuel et en se garantissant le contrôle du pouvoir politique en RD Congo. Si les guerres précédentes ont utilisé les armes à feu et les armes blanches pour atteindre leurs objectifs, celles d’à partir de 1996 ont intégré des armes plus insidieuses, à destruction parfois lente mais sûre, notamment les violences sexuelles. Les violences sexuelles ont été intégrées comme arme de guerre pour détruire les organes génitaux des femmes congolaises de tout milieu, rural comme urbain. Un autre effet recherché dans l’utilisation des violences sexuelles est celui psychologique, d’humilier l’homme congolais, le déséquilibrer pour qu’il perde confiance en ses capacités, ses capacités de se défendre, de défendre sa progéniture, de défendre son espace vital (RFDP, IA, RFDA, 2004). Elles visent aussi la désagrégation des structures familiales, cellule de base de la société congolaise. Elles visent encore à anéantir les capacités de production et de reproduction du peuple congolais. Elles ont beaucoup répandu le VIH/Sida (CRS, 2005). C’est suite à ces atrocités que plusieurs rapports produits par les organisations de la société civile ont qualifié ces dernières guerres de « guerre d’extermination des communautés congolaises » (CCVS et CRAFT).
Aussi, la trentaine d’années de dictature entretenue par des forces politiques et économiques, avait-t-elle déjà contribué à la fragilisation de la société congolaise dans tous les domaines. Les valeurs positives (de travail, de service public, d’amour de la patrie,…) se noyaient avec l’accroissement de la pauvreté d’un grand nombre de citoyens et l’insuffisance d’éducation civique. Cela laisse douter sur le caractère démocratique des régimes en place car ils n’améliorent pas les conditions d’existence des populations.
L’instabilité en République Démocratique du Congo repose sur la stratégie de priver le pays de dirigeants responsables. A son avènement au pouvoir, tout Président ou Premier Ministre congolais est placé devant un choix, celui de servir les intérêts des puissances impérialistes d’un côté et celui de servir son peuple, de l’autre côté. Ceux qui ont privilégié l’intérêt du peuple ont été assassinés. Et ceux-là qui ont bafoué les intérêts du peuple sont devenus des dictateurs et ont mal fini.
L’assassinat de ces leaders politiques, déclarés par la suite héros nationaux, a laissé chaque fois derrière eux, dans le chef des masses populaires, le goût d’un bien-être raté.
Dans ce contexte, les violations des droits humains deviennent le lot quotidien et une partie de la population se sent interpellée et s’engage dans l’action pour la promotion et la protection des droits humains.
Quand, suite aux déplacements forcés et à l’occupation de leur terroir par les forces étrangères, les populations congolaises ont compris que leur terre nourricière était en train de leur être arrachée, elles se sont mobilisées pour barrer la route et réduire l’expansion de l’occupation, dénoncer le complot et la trahison. Les femmes, contrairement à leur désintérêt habituel à la chose publique, ne sont pas restées inactives. Aux côtés des organisations des droits de l’homme, les organisations féminines se créent et s’investissent dans la défense des droits humains.
De notre côté, nous avons voulu confronter les détenteurs du pouvoir de fait et celui international avec le triste constat de violation du droit international humanitaire et de la charte internationale des droits de l’homme.
La défense des droits humains est notre point d’entrée dans le combat pour le développement de notre société et il s’agit avant tout du droit d’avoir un pays où il fait beau vivre et où les citoyens jouissent des droits, accèdent équitablement aux ressources et les contrôlent. Ceci étant un droit pour tout peuple et partout, le Congolais aussi devra en jouir.
Pour nous, femmes, il a été essentiel pour notre survie de nous saisir de la situation de cette crise comme une opportunité pour revendiquer plus de considération et une position d’égalité dans la société afin de garantir notre participation à la prise de décision et réduire notre vulnérabilité à la violence.
Toutes nos actions répondaient à cette vision et étaient basées sur la conception suivante :
La femme va accéder à une position sociale équitable par le développement de ses capacités personnelles. Le développement des capacités personnelles des femmes constitue une condition pour le développement de la société toute entière ; il passe par l’éducation formelle et informelle à travers laquelle seront promues des valeurs positives de patriotisme, de partage et d’équité. Nous voulons toujours promouvoir tout ce qui favorise le développement de ces capacités personnelles (physiques, intellectuelles, morales,…) et empêcher par tous les moyens ce qui les entrave. C’est ça le sens du combat que nous menons en tout temps et en tout lieu et qui doit continuer avec ou sans nous.
La mise en œuvre de cette vision se réalise à travers les activités que nous menons au plan national et international. Ces activités visent à:
o Promouvoir la prise de conscience dans le chef des femmes instruites et non instruites, de leur droit à s’exprimer dans la société, à s’associer et se doter par leur propre initiative des cadres d’expression, de défense de leurs droits et intérêts et d’amélioration de leur condition d’existence.
o Organiser les femmes, susciter leur intérêt à la chose publique et à participer à la prise des décisions. Partout où la femme se trouve, au marché, à l’église, au quartier, au niveau du pays, elle doit prendre part active dans les instances de gestion.
o Dénoncer par des canaux appropriés (Contacts, mass media, rapports d’étude et d’enquêtes…) les crimes commis pendant les conflits armés, y inclus les crimes d’agression du territoire congolais et des violences sexuelles utilisées comme arme de destruction massive sur un long terme.
o Assister les victimes avec des approches innovantes intégrant la prévention en plus de la réponse aux violences sexuelles.
o Contribuer à la lutte contre l’impunité des violences sexuelles.
o Plaider et promouvoir des réponses qui vont au-delà des conséquences de la guerre, telles les violences sexuelles, pour agir en faveur d’ une réponse durable qui intègre la répression des auteurs et surtout en œuvrant en faveur d’une coopération profitable pour le peuple de la RD Congo en lieu et place de l’accès à ses ressources par des voies de fait.
Les résultats atteints jusque là témoignent d’une avancée dans le domaine de la promotion et de la défense des droits humains, plus particulièrement les droits de la femme.
o Sur terrain, le Réseau des Femmes pour la défense des Droits et la Paix, RFDP est un cadre de référence qui a réussi à faire des femmes des défenseures des droits humains. Des Comités d’Alerte pour la Paix (CAP) qui sont des structures des femmes à la base constituent des cadres d’action des femmes pour la prévention et la réponse aux violences sexuelles et basées sur le genre. L’action du RFDP et des Comités d’Alerte pour la Paix adresse la question des violences sexuelles dans une perspective à long terme en ce sens qu’elle consiste à assister les femmes victimes ensemble avec leurs communautés, dans leur propre communauté, transformer les femmes victimes des conflits en agents de leur propre changement et celui de leurs communautés. Les femmes victimes d’hier se sont ainsi organisées pour accompagner et assister les autres et interviennent dans la médiation familiale.
o Dans tout notre plaidoyer dans les instances internationales, aux Nations Unies, à l’Union européenne, auprès de certaines organisations non gouvernementales internationales et de certaines personnalités intéressées à la question, notre cheval de bataille a toujours été de montrer qu’au delà des réponses humanitaires, les violences sexuelles devraient être traitées dans une perspective de développement durable. Fort heureusement, nous constatons avec beaucoup d’intérêt qu’au niveau de certains organismes d’aide, il y a une certaine émergence des approches de lutte contre les violences sexuelles qui adressent les violences basées sur le genre au delà des violences sexuelles en intégrant la prévention et la responsabilisation des acteurs étatiques. Tout en notant que les violences continuent sur le terrain, pour notre pays, un pas est déjà franchi, celui de promulguer la loi sur la répression des violences sexuelles le 20 juillet 2006 et à laquelle le RFDP, agissant au sein de la Coalition contre les Violences Sexuelles (CCVS), avait joué le rôle moteur. Le pays vient de se doter d’une Stratégie Nationale de lutte contre les Violences Basées sur le Genre.
o Agissant en Caucus des Femmes congolaises pour la Paix, ensemble nous avons stimulé l’engagement de l’élite féminine congolaise du Sud Kivu dans les partis politiques pour son implication dans les élections, et partant dans la gestion de la chose publique. Nous constatons que plus de 80 femmes ont été candidates titulaires aux élections législatives nationales et provinciales dans la province du Sud Kivu.
La mise en œuvre de cette vision se heurte cependant à des difficultés et résistances de différentes natures. Elles vont des menaces verbales, des intimidations, des bastonnades, de la privation de la liberté de circuler, des blocages d’accès aux moyens de survie à des tentatives d’assassinats. Cela exige donc du courage, un certain sens d’abnégation et un soutien familial éprouvé.
La lutte contre les violences faites à la femme et la promotion des droits humains sont limités dans un contexte de mauvaise gouvernance. C’est pourquoi, nous œuvrons aussi pour contribuer à l’émergence d’un leadership politique qui va traduire notre vision d’une société où les citoyens accèdent aux meilleures conditions d’existence de façon équitable.
Aussi, toutes les capacités que nous voulons voir se développer chez les femmes doivent aussi les amener à plus d’actions pour transformer les structures qui bloquent leur participation au pouvoir à tous les niveaux.
Malgré la tendance dominante observable de maintenir le Congo comme une zone trouble dans ]laquelle les prédateurs de tous bords viennent puiser des ressources en violation des mécanismes de coopération établis et au détriment des plus de 60 millions des Congolais d’aujourd’hui et ceux d’avenir, nous avons pu bénéficier de l’appui d’autres forces plus positives et sensibles à l’injustice que vit le peuple congolais pour mener notre combat.
Le titre de Docteur honoris causa qui nous sera décerné ce jour nous donne de l’espoir que la RD Congo n’est pas abandonnée et qu’il y a quelque part au monde une poignée de gens, d’ organisations et d’ institutions qui se convainquent que les Congolais ont aussi droit à la vie et qu’il est injuste de maintenir 60 millions d’humains (1% de la population mondiale) dans une situation de pauvreté et d’insécurité permanente.
Notre espoir est de voir une synergie s’établir ou le peuple belge agit ensemble avec le peuple congolais pour améliorer les conditions d’existence de nos deux peuples. Que les forces positives prennent le dessus afin que les vrais protagonistes de la violence en RD Congo, bien identifiés dans les rapports de l'ONU sur les pillages des ressources naturelles en RD Congo et qui sont les groupes militaro-économico-politico-maffieux qui instrumentalisent les militaires au pouvoir dans les pays des grands lacs, répondent de leurs actes.
Notre espoir est de voir enfin le peuple de la RD Congo libre de toute emprise extérieure pour présider à sa destinée et assurer ainsi la reconstruction de son pays dans une coopération responsable et mutuellement profitable. Un pays où le citoyen participera au service national dans sa plénitude, où les cadres seront choisis sur base d’excellence intellectuelle et morale; où une stratégie de développement durable sera mise en branle; un pays qui ne sera plus sous-administré; un pays où l’impunité et la perméabilité aux forces du mal à grande échelle seront bannies. Un pays qui apportera son concours au développement humain et culturel planétaire.
C’est seulement dans un tel environnement que nous espérons que les femmes pourront voir leurs conditions d’existence s’améliorer, leur protection assurée et le respect de leurs droits humains garanti.
Que vive l’Université Catholique de Louvain,
Que vive la Belgique
Que vive la République Démocratique du Congo
Je vous remercie
Fait à Louvain La Neuve, le 02 février 2010
Mme Venantie Bisimwa Nabintu

(N.B: information transmise et vérifiée par Monsieur N. Bale, de la Fondation Kongolese Stimuleringsprojecten à Rotterdam, aux Pays-Bas)