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La militarisation de la Méditerranée et de l’Atlantique

La militarisation de la Méditerranée et de l’Atlantique

Nous poursuivons ici notre enquête sur l’externalisation de la politique d’asile européenne. Durant les mois abordés ici (de juin à début septembre 2006), elle a avancé de façon à la fois chaotique et ordonnée.

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Juin 2006 et le plan espagnol
Le plan espagnol va connaître des rebondissements et des imprévus. Le 1er juin en effet, le Sénégal suspend sa coopération avec Madrid suite officiellement aux violences commises contre des migrants rapatriés de force des Canaries. Madrid fournit des explications. La coopération peut donc reprendre, mais de façon plus discrète. A la demande de Dakar, les rapatriements se font désormais de nuit pour éviter la présence des médias. Entre le lundi 19 et le samedi 24 juin, 189 Sénégalais sont rapatriés à partir du royaume des Bourbons.

Si l’on déplie une carte géographique, on peut se rendre compte que l’objectif ultérieur de l’Espagne sera le Mali. Le 22 juin, le secrétaire d’Etat Gross se rend donc le jeudi 22 juin à Bamako pour une visite de 24 heures, où il rencontre le Premier ministre Ousmane Issoufi Maïga et d’autres personnalités de l’Etat. Un accord de principe est trouvé : un cadre légal devra être élaboré, qui inclura non seulement des éléments de coopération policière, mais aussi économique, particulièrement agricole. Plus concrètement, il s’agira d’activer un accord sur la gestion des migrants signé en janvier 2003.

Juin 2006 et optique sécuritaire
Le mardi 6 juin, des hauts fonctionnaires issus d’une vingtaine de pays européens et africains se réunissent à Dakar. Un plan d’action – initié par le Maroc et l’Espagne et appuyé par la France – est adopté dans la soirée. Ce plan préconise un « renforcement » des capacités de contrôle des frontières des pays de transit et de départ ainsi qu'une « amélioration » de la formation des services de contrôle et leur dotation en équipements adéquats. En outre, il s’agit d'équiper les États africains de bases de données numérisées et de systèmes d'alerte précoce inspirés des modèles européens. Le tout sous prétexte de lutte contre les passeurs.

Le 13 juin, se retrouvent à Nouakchott des experts venus de France, d’Italie, d’Espagne, de Libye, de Grèce, du Portugal, de Mauritanie, du Maroc, du Mali, du Niger, et du Sénégal. L’accent est mis sur les organisations mafieuses profitant des flux migratoires et l’objectif est de favoriser les échanges d’informations entre les pays concernés en toute sécurité juridique. Le ton sécuritaire est on ne peut plus clair.

Et le sera davantage avec la réunion des huit pays membres de l’UE à Madrid pour entériner l’exécution du plan espagnol. Des moyens supplémentaires sont ajoutés et Frontex met plus d’un million d’euros dans l’opération.

Le rapport de l’ONU
Le 7 juillet, le secrétaire général des Nations Unies Koffi Annan présente un rapport au titre explicite « Migrations internationales et développement ». Un lien direct est fait entre les migrations et les inégalités. Il décortique en outre la nature de ce lien. Il pointe également un autre phénomène : la « fuite des cerveaux », c’est-à -dire le fait que les pays riches peuvent disposer de l’intelligence des pays pauvres. On peut lire qu’ « entre 33 et 55 % des ressortissants hautement qualifiés de l’Angola, du Burundi, du Ghana, du Kenya, de l’île Maurice, du Mozambique, de la Sierra Leone, de l’Ouganda et de la République Unie de Tanzanie se sont établis dans des pays de l’OCDE
» . En outre, « ce chiffre dépasse 60 % en ce qui concerne Haïti, les îles Fidji, la Jamaïque et la Trinité-et-Tobago », et concernant la Guyane, il atteint 83 %. De façon générale, pour la période 1990-2000 et les migrants installés dans nos pays âgés de 25 ans et plus et ayant fait des études supérieures, ils sont 56 % à être issus de pays pauvres. Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est l’émigration des travailleurs qualifiés du secteur de la santé. La ville de Manchester compte plus de médecins originaires du Malawi que le Malawi lui-même …

La conférence de Rabat
La conférence de Rabat débute le lundi 10 juillet. Les pays membres de l’Union Européenne ainsi que la plupart des pays africains y prennent part. Il y a un grand absent : l’Algérie, qui réprouve l’approche sécuritaire européenne. Le Maroc tente de concilier les contraires : mercenaire de l’Europe et porte-parole des revendications africaines. Structurellement, le rapport de force – économique et militaire – est inégal. Il faut préciser d’ailleurs que le 7 avril l’Alliance Atlantique s’était réunie à Rabat avec les sept pays membres du Dialogue méditerranéen, dont le Maroc. Celui-ci, aux côtés de l’Algérie et d’Israël, a été autorisé à prendre part à l’opération « Active Endeavour », lancée par l’OTAN en Méditerranée après les attentats du 11 septembre. L’opération implique des patrouilles maritimes de surveillance, notamment sur le détroit de Gibraltar. Là aussi, les préoccupations sécuritaires ont primé sur toute autre considération … Et là aussi ces pays se retrouvent cantonnés dans un rôle de mercenaires pour le compte des Occidentaux.

Soulignons néanmoins que les camps externalisés ne sont pas à l’ordre du jour. Les patrouilles par contre si : l’objectif des responsables espagnols est que le système des patrouilles soit opérationnel dès fin août. Dans une interview accordée à L’Humanité, Giusto Catania, député de la Gauche Unitaire Européenne – Gauche Verte Nordique, souligne que cela perpétuera le « processus de militarisation de la Méditerranée et de l’Atlantique ». Et, pourrait-on ajouter, ne se fera pas à l’avantage de la souveraineté des pays impliqués dans l’externalisation.

L’Europe vient donc animée de deux préoccupations. La première est sécuritaire, avec une certaine xénophobie sous-jacente. « Les mesures préconisées par le bloc européen convergent vers un renforcement des dispositifs de surveillance pour freiner les mouvements d’immigrés avant leur arrivée dans les territoires d’accueil » , peut-on lire dans l’éditorial du 17 juillet de La Gazette du Maroc. En témoigne déjà l’existence de ces patrouilles hispano-mauritaniennes. La seconde est utilitariste, avec cette idée d’une immigration choisie sur le mode états-unien. Face à cela, « une Afrique qui ne cesse de se faire ‘bouder’ sur ses légitimes revendications d’une plus forte implication des pays riches du Nord dans l’aide au développement et dans la lutte contre la pauvreté ».

La redéfinition du mécanisme de contrôle des frontières
Le 19 juillet, sont rendus publics plusieurs documents de la Commission européenne Parmi ceux-ci figure un document de travail des services de la Commission accompagnant la Proposition de règlement du parlement européen et du Conseil établissant un mécanisme pour la création d'équipes de réaction rapide aux frontières et modifiant le règlement (CE) n° 2007/2004 du Conseil en ce qui concerne ce mécanisme.

Avant Frontex, il était prévu que dans chaque État membre, les autorités nationales responsables du contrôle et de la surveillance des frontières extérieures effectuent ces missions pour le compte des partenaires et en assument la responsabilité. Mais les ressources dont disposaient les Etats frontaliers n’étaient pas suffisantes. Donc, lors du Conseil européen de Laeken, l’objectif est d’instaurer une coopération accrue entre Etats frontaliers et non frontaliers afin de permettre aux premiers d’effectuer ces tâches. Le 7 mai 2002, la Commission émet au Parlement et au Conseil une communication où elle préconise la mise en place d’un mécanisme de concertation et de coopération et d’une instance commune pour la gestion de la coopération entre les Etats concernant les frontières extérieures.

Avec l’instauration de Frontex, un nouveau mécanisme de coopération est mis en place, caractérisé par deux modalités. La première consiste en des opérations conjointes et des projets pilotes, dans le cadre de l’activité normales de l’agence. La deuxième, dans le cadre de situations difficiles, l’agence peut prêter main forte à un Etat. Mais ce système présente deux insuffisances : l’absence de cadre juridique primo définissant les modalité de coopération, secundo le pouvoir des gardes frontières. L’objectif sera donc la mise en place de ce cadre juridique. Mais en quoi va -t- il consister ? La Commission pencherait pour la création d’un corps de gardes européen, mais, sachant les résistances que cela provoquerait au niveau des Etats, elle préconise des équipes d’intervention rapides avec des gardes nationaux dans le cadre de Frontex.

Le plan espagnol et ses suites
A partir du 24 juillet, des demandeurs d’asile font un sit-in devant les locaux du HCR. Ils entendent protester à la fois contre la politique espagnole et européenne, la posture de mercenaire adoptée par le Maroc et le rôle ambigu du HCR. Suite à cela, certains militants seront enlevés par des agents secrets du régime chérifien et refoulés dans des villes éloignées de Rabat. Le plan espagnol a aussi des suites d’un autre ordre : le 3 août, le ministre de l’Intérieur du Gabon, André Nba Obame, annonce qu’il va négocier avec les pays « émetteurs » des quotas de migrants. On retrouve ce mélange d’optiques sécuritaire et utilitaire. Le Gabon, avec son pétrole, est en effet un pays riche de l’Afrique de l’Ouest, de surcroît assez stable politiquement. Comme nous, il ne veut accueillir de migrants que de façon strictement limitées et pour faire les travaux que ses citoyens ne veulent plus faire.

Le mois d’août connaît les premières vagues d’expulsion de Maliens par l’Espagne. Une première série a lieu la semaine du 3 août. Ils sont cinquante à être rapatriés par avion à l’aéroport de Bamako-Sénou. La deuxième comprend 62 personnes. Ils arrivent à l’aéroport dans la nuit du 7 au 8 août, à une heure moins le quart, Bamako étant dans le méridien de Greenwich. Une partie des rapatriés laissent éclater leur colère et saccagent le hall de l’aéroport. On peut noter que ces rapatriements sont censés se dérouler dans le plus grand secret : seul au ministère de l’Intérieur et à celui des Maliens de l’Extérieur, ainsi qu’à l’agence aéroportuaire, on connaît la nature de ces vols de rapatriements. Ce qui veut dire que ceux-ci ne sont pas spécialement populaires. Et dans ce contexte il est très inconfortable pour un chef d’Etat ou un homme politique de paraître pour un laquais des Occidentaux …

De façon plus générale, on peut noter que ces mécanismes de « coopération » mis en place par l’Espagne avec l’imprimatur de l’UE portent atteinte à la souveraineté des pays concernés. Ils impliquent que leurs ports, leurs frontières, leurs eaux territoriales et leur espace aérien soient surveillés par des agents européens. Cela explique sans doute en partie pourquoi le président Amadou Toumani Touré (dit ATT), pour faire contrepoids à cette mise sous contrôle, cherche à se rapprocher des représentants les plus actifs et les plus courageux de la lutte contre le néolibéralisme et l’impérialisme. Le 1er et le 2 août, lui ainsi que le premier ministre Ousmane Issoufi Maïga reçoivent à Bamako le président vénézuélien Hugo Chavez pour une visite de travail. Trois accords sont signés. Ils ont pour but de donner une impulsion au partenariat entre les deux pays, qui s’était déjà manifesté par les 500 000 dollars versés par Caracas à la Banque Malienne de Solidarité et par la création d’une Commission mixte de coopération.

Mais l’Espagne ne vise pas que le Mali. Il y a aussi le Sénégal. Le 21 août, les ministres de l’Intérieur sénégalais et espagnol Ousmane Ngom et Alfredo Rubalcaba se rencontrent à Dakar. Un accord verbal est trouvé. Un hélicoptère et deux détachements de la Guardia Civil sont mis à disposition par Madrid pour collaborer avec les Forces de Sécurité sénégalaises. L’objectif est l’interception des embarcations de migrants avant qu’elles n’appareillent.De son côté, Ngom réclame de la part de l’UE une aide financière pour le programme REVA, qui vise à promouvoir le développement de l’agriculture et de l’élevage. De surcroît, il n’a accepté que verbalement la présence de la Guardia Civil. Le 24 août, c’est la rencontre dans la capitale sénégalaise entre Ousmane Ngom et le directeur du Centro Nacional de Inteligencia (CNI) Alberto Saiz ainsi que celui de la Guardia Civil Joan Mesquida. Un accord est signé qui entre en vigueur le jour même. Mais il diffère de l’accord verbal trouvé avec Rubalcaba deux jours plus tôt. Le Sénégal accepte la présence d’une patrouille espagnole, mais qui oeuvrera dans des bateaux sénégalais : ceux de la Gendarmerie, de l'Armée et de la Direction Générale Protection et Surveillance de la Pêche. De plus, dans le texte signé par les trois hommes, il n’apparaît nullement que le Sénégal a accepté la présence de bateaux espagnols dans ses eaux territoriales. En fait, il a accepté les patrouilles conjointes sur trois bateaux – les siens – ainsi que sur le bateau italien Il Diciotti, amarré à Cadix et appartenant à Frontex. De plus, le navire italien devait se borner à informer les autorités sénégalaises de la présence de cayucos. L’interception devant être une prérogative de Dakar. Il est aussi prévu qu’un officier de liaison sénégalais soit présent au Centre de coordination de Ténériffe, aux côtés des fonctionnaires européens de Frontex. Les négociations continuent donc, sous l’égide de l’ambassade espagnole à Dakar et avec le Premier ministre Macky Sall. Le 29 août, elles aboutissent à l’acceptation par le Sénégal de bateaux de la Guardia civil. Le 30, l’équipage de la première patrouille part pour les côtes du pays de Léopold Sedar Senghor.