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Interview avec Jean Bricmont: "La majorité des Américains veut le retour des troupes"

Interview avec Jean Bricmont: "La majorité des Américains veut le retour des troupes"

Jean Bricmont, professeur de physique à l'UCL et opposant aux nouvelles guerres coloniales, est l'auteur de "Impérialisme humanitaire". Dans cet ouvrage sorti il y un peu plus d'un an, il décortique les mécanismes de légitimation de ces guerres et leurs effets sur les mouvements pacifistes et progressistes. Présent à la manifestation, il a accepté de répondre à nos questions.

Pourriez-vous donner un aperçu de la situation à Washington ? Qu'en est-il dans les rangs de l'élite américaine ? Et la population ?

"Il y a deux camps. D'une part, il y a le camp favorable à la guerre, qui domine dans la direction des deux partis, républicain comme démocrate. Mme Clinton, soulignons-le, a déclaré que si elle est élue, elle laissera des troupes en Irak. Ces démocrates sont seulement contre Bush. D'autre part, il y a une alliance, en dehors des partis, de gens qui veulent une autre politique. Par exemple, des gens comme Zbigniew Brzezinski, Jimmy Carter. Ils veulent que l'on défende les intérêts américains en priorité et pas ceux d'Israël. En fait, ce ne sont pas les intérêts d'Israël, ce sont les caprices d'Israël. Des gens comme Brzezinski, ce sont des impérialistes rationnels. Mais ces gens-là sont en dehors de la superstructure politique, qui est entièrement liée à Israël, aux partisans du sionisme. Dans l'élite, on peut observer des gens qui voient la situation sociale chez eux, qui voient les problèmes économiques chez eux, qui voient la situation en Amérique latine leur échapper, qui voient la montée de l'Inde et de la Chine ainsi que le retour de la Russie, et qui considèrent que les USA doivent se concentrer sur la défense de ces intérêts-là, plutôt que de perdre leur temps au Moyen-Orient. Le conflit fondamental dans l'élite est là. Et ce n'est pas un conflit entre démocrates et républicains."

"Quant à la population en général, elle en a complètement marre de la guerre. Il y a bien sûr les chrétiens sionistes, ce sont des fanatiques et ils réprésentent plusieurs millions de gens. Mais hormis eux, la majorité veut la fin de la guerre et le retour des troupes."

"On peut ajouter qu'il y a vis-à-vis d'Israël un véritable délire dans la superstructure politique. Prenons quelqu'un comme Barack Obama. Il connaissait Edward Saïd. Il a des amis palestiniens. C'est un progressiste. Il a tenu à l'AIPAC (American Israelian Public Affairs Commitee) un discours complètement surréaliste, favorable à Israël et tourné contre l'Iran."

Que peux-t-on attendre pour la suite dans le jeu politique aux USA ?

"Le risque est que les démocrates fassent croire qu'ils sont contre la guerre, alors qu'ils ne le sont pas. Ils pourraient récolter les fruits de l'échec républicain actuel et du discrédit pour rafler le gros lot en 2008. Ils avaient déjà pratiqué cette stratégie en 1932. Là, ils sont restés aux affaires pendant 20 ans, jusqu'à ce que les républicains reviennent en 1952 avec Einsenhower. Ils pourraient mener ce genre de stratégie, sans être vraiment opposés à la guerre. Moi, je trouve cela complètement cynique. Les gens doivent être conscients de ce risque. Déjà, j'entends certains dire qu'ils sont seulement contre Bush, mais il faut être plus lucide !"

Comment appréhendez-vous la situation en Irak ? Comment voyez-vous la suite ?

"Je la connais moins que celle aux Etats-Unis. Selon mon analyse, il y a en Irak trois forces. Les forces d'occupation américaines, la résistance nationale, mais aussi des Chiites, qui sont loin d'être unis, mais dont certains veulent se servir de l'occupation pour instaurer un régime à leur goût, un régime théocratique. Ce ne sont pas des valets des USA car ils ont leur agenda. Mais la dynamique de la guerre et de l'occupation font qu'ils ont tendance à le devenir de plus en plus. On peut faire un parallèle avec quelqu'un comme le maréchal Pétain. Au départ, il n'était pas un valet des Allemands, mais il a cherché à se servir de l'occupation allemande pour réaliser son agenda réactionnaire. En Belgique, certains ont essayé aussi de le faire, comme Léopold III. Le problème pour les gens comme Nouri Al Maliki, le Premier ministre, est qu'ils réclament aux Américains plus de souveraineté pour qu'ils aient moins l'air de valets. Mais les Américains sont empêtrés. Al Maliki a par ailleurs condamné l'agression israélienne contre le Liban, ce qui a provoqué la colère de nombreuses personnalités politiques aux USA. Ces chiites jouent donc sur les deux tableaux. Cela ne plaît pas aux Américains, mais avec qui peuvent-ils alors gouverner ? Avec des gens comme Ahmed Chalabi, qui ne réprésentent qu'eux-mêmes ? "

"Beaucoup de gens réduisent les problèmes en Irak à un conflit sectaire. Il y en a un, bien sûr. Mais on ne peut réduire le conflit en Irak à cela. Il y a aussi une résistance patriotique, dont j'espère qu'elle va réussir à unifier tout le monde. Au début de la guerre ici, les communistes n'étaient pas grand chose. Mais à la fin, ils se sont retrouvés très forts. Ils ont profité du discrédit qui pesait sur ceux qui ont joué double jeu. J'espère que ces forces qui ont joué sur les deux tableaux vont se retrouver comme Pétain. En tout cas, la guerre ne va pas s'achever de sitôt. Elle ne peut s'achever que soit par un retrait total des Américains, soit par un écrasement de la résistance. Et je ne vois pour l'instant ni l'un ni l'autre dans les cartes."