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Denis Desbonnet : «La seule et vraie question doit être : comment gérer les migrations?»

Denis Desbonnet : «La seule et vraie question doit être : comment gérer les migrations?»

Le rapport des Nations Unies sorti le 7 juillet 2006 en prenait acte : nous sommes entrés dans un nouveau cycle de migrations, comparable à celui que l’on avait connu à partir de 1890. Et comme il y a un siècle, nous assistons aussi à des réactions xénophobes, voire racistes. Celles-ci ne sont pas vraiment combattues par le discours politique et médiatique dominant. Pour tenter de cadrer ces phénomènes, nous avons fait appel à Denis Desbonnet, journaliste, animateur et militant du droit d’asile.

Comme le soulignait l’historien britannique Eric J. Hobsbawm pour les vagues de migrations de masse d’il y a un siècle : « Anticipant la fin du XXème siècle,la fin du XIXème siècle vit naître la xénophobie de masse, dont le racisme – la protection des indigènes de pure souche contre la contamination, voire la submersion, de hordes d’envahisseurs faites de sous-hommes – devint l’expression commune ».

En septembre de l’année passée, on avait assisté dans les Canaries à des expressions de xénophobies dénuées d’équivoque. Le 9 septembre, une embarcation avec à son bord une centaine de personnes arrivant de Gambie a été accueillie au son de « Noirs de merde » par une cinquantaine d’habitants. « Nos fils ne vont rien avoir à manger », ou bien « Mon frère est au chômage et à lui on ne donne pas de vêtements », peut-on aussi entendre. Le lendemain, un quinquagénaire en train de pêcher déclare : « Il y a tant de noirs qui arrivent ! Je ne suis pas raciste, mais c'est trop. Nous ne méritons pas ça ».

Quand les politiques et les médias reprennent les stéréotypes …

Il faut souligner que cette xénophobie n’est pas véritablement combattue par les politiques et les médias. Outre le schéma sous jacent à toute cette politique qui consiste à montrer les migrants comme posant problème, il y a les propos tenus par certaines personnalités. Le 8 septembre 2006, le président du gouvernement régional des Canaries, Adan Martin, avait encore déclaré que celles-ci sont « un barrage sur le point de céder ». En outre, lors de la conférence bisannuelle des ambassadeurs espagnols, réunissant 123 chefs de mission diplomatique, la vice-présidente du gouvernement, Mme Fernandez de La Vega, a déclaré : « Il est nécessaire de faire savoir aux pays d'origine des émigrants qui arrivent sur nos côtes que nous n'allons pas tolérer qu'ils continuent ». Ultérieurement, le gouvernement ira jusqu’à parler de « tolérance zéro » à propos des migrants, comme s’il s’agissait de délinquants …

Les médias ne sont pas en reste non plus. Ils pratiquent ce que les Espagnols nomment « el esperpéntico », c’est-à-dire la tendance à donner une image exagérée et déformée des événements. Sans en avoir nécessairement conscience, ils recourent à des stéréotypes, notamment au thème de l’assaut (« asaltar »), comme le souligne Peio M. Acerbe (Mugak/SOS Arrazakeria) dans un essai « The ‘Assault’ by ‘sub-saharan immigrants’ in the media » (Disponible en anglais sur http://www.statewatch.org/news/2006/jul/sos-migrants-media-peio-2006.pdf) . Le compte-rendu fait par une partie des médias de la répression de Ceuta et Melilla est assez révélateur : il y est affirmé que les migrants utilisent des tactiques militaires, que parmi eux se trouvent des membres des milices impliquées dans les guerres qui déchirent de nombreux pays africains, voire qu’un muezzin les appelle à la prière avant qu’ils ne se lancent à l’assaut, qualifié de médiéval.

«Le racisme n’est pas l’apanage de l’extrême-droite ».

Pourtant, ces médias peuvent difficilement être taxé d’extrême droite. De tels faits méritent donc réflexion. Denis Desbonnet, journaliste, animateur et militant antiraciste : « Il faut d’abord dissiper une confusion : le racisme n’est pas l’apanage de l’extrême-droite. Je n’oublie pas les propos dégoûtants tenus par Louis Tobback et Johan Vande Lanotte sur les demandeurs d’asile lorsqu’ils étaient au ministère de l’Intérieur. Ni les pages entières que le PRL achetait dans Le Soir pour dire : ‘Nous n’avons pas attendu les émeutes pour parler clair en matière d’immigration’. Je concède qu’une sourdine a été mise il y a une dizaine d’années de la part de l’ensemble des partis traditionnels (le fameux « code de bonne conduite » initié par Philippe Busquin – rendons à César…). Mais le naturel revient très vite au galop. Il a suffi en mai 2003 que le Front National reprenne des points pour que Daniel Ducarme, président du MR, parle « de l’échec de l’intégration » (excusez du peu) ! ».

Racisme et société : des liens ambigus

Concernant le rapport entre racisme et société, il est essentiellement ambigu. Sans doute cette ambiguïté doit-elle être mise en rapport avec l’américanisation de la société. « Il y a d’un côté cet « antiracisme institutionnel » de façade, qui s’exprime notamment par la création du Centre pour l’Egalité des Chances, mais de l’autre et quasi simultanément, on vote la Loi Vande Lanotte qui légitime et aggrave la politique des centres fermés et des expulsions forcées, dont le tragique aboutissement est la mort de Semira Adamu, littéralement « annoncée » dans ces mesures (d’autant qu’il y avait déjà eu des précédents, comme un autre assassinat légal quasi identique, l’étouffement lors d’une expulsion en avion, une dizaine d’années auparavant : celle du réfugié congolais Mhsiba).
On pourrait ajouter aussi les pratiques équilibristes à la télévision (séries télévisées à l’américaine où figure obligatoirement un personnage d’origine africaine ou d’origine arabe). « C’est très prêchi-prêcha et c’est un trompe-l’œil ».

Car, « de l’autre côté, il y a ce racisme profond, structurel. Il s’exprime de différentes manières. Déjà, dans les grands partis comme dans une bonne part de la presse, on parle du « problème de l’immigration », comme si c’était elle qui était le réel problème, et non le racisme croissant, d’extrême droite, mais aussi institutionnel et, reflet de ces derniers, le racisme « ordinaire ».
Il y a aussi la polémique autour du foulard, où le racisme se drape dans des apparences humanistes, féministes et laïques ».

On pourrait ajouter aussi une troisième expression de racisme : l’absence de remise en cause fondamentale de la légitimité de l’interventionnisme des Etats-Unis. Si peu de gens ont été pour la guerre d’Irak, beaucoup furent très peu contre. Leurs arguments étaient très faibles et très superficiels car ils ont intériorisé le concept de guerre humanitaire. Or Olivier Corten a souligné à quel point cette notion est héritée du colonialisme du XIXème siècle (Voir O. CORTEN, Le retour des guerres préventives : le droit international menacé, Labor, coll. Quartier Libre, 2003. En particulier le chapitre « Nouvelles ou anciennes doctrines de la guerre juste ? »). Il s’agit de ce sentiment de supériorité occidental, qui va du paternalisme jusqu’au racisme le plus méprisant et qui est tapi dans les profondeurs de notre inconscient. Sans parler du peu de problèmes qu’ont beaucoup d’Occidentaux au fait qu’on bombarde massivement des civils …

« Contrairement à un discours convenu, le racisme continue à progresser »

Au-delà de cela, Denis Desbonnet pointe une évolution encore plus inquiétante. « Contrairement à un discours convenu et « politiquement correct », le racisme continue à progresser, particulièrement en milieu populaire. De ce point de vue les campagnes et autres dispositifs étatiques censés le combattre font même effet d’écran de fumée, d’illusion d’optique. On pourrait croire, vu la relative accalmie en matière de démagogie anti-immigrés (encore que les réfugiés les ont largement remplacés comme victimes désignées et expiatoires de tous les maux sociaux), que le racisme est effectivement en recul. Or, du point de vue sociologique profond, dans toutes les strates de la société, c’est exactement le contraire : il s’est encore renforcé depuis quinze ans. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer les progrès continus de l’extrême droite sur le plan électoral».

Le racisme a d’ailleurs toujours existé en milieu populaire. Mentionnons ce qu’ont vécu les travailleurs irlandais et polonais émigrés en Angleterre et les travailleurs italiens en Belgique. Mais avec l’encadrement syndical et surtout le choix des syndicats – à partir des années 60 et 70 – de l’intégration des travailleurs immigrés, le racisme n’a plus eu droit de cité. « Il prenait essentiellement une forme complexée, avec un discours du type : ‘Je ne suis pas raciste, mais…’. Actuellement, il perd du terrain au profit d’un discours décomplexé, du type : ‘Je suis raciste parce que …’. Dans le camp progressiste, nombreux sont ceux qui disent qu’on ne peut combattre le racisme sans combattre le néolibéralisme. C’est partiellement exact, mais n’offre pas de réponse concrète et immédiate. Car il faut être lucide : objectivement, en dépit des luttes qui ont perduré tout au long des années 80 et 90, le combat anti-néolibéral est surtout allé de défaites en défaites depuis 25 ans. D’autres ajoutent que l’antiracisme doit également être un combat spécifique. Les uns comme les autres ont raison. Mais il faut reconnaître que le combat antiraciste est lui aussi sur la défensive, tout particulièrement pour la défense du droit d’asile, dont même la Ligue des Droits de l’Homme dit qu’il est de facto quasi vidé de sa substance. Et, dans ce cadre, il est clair que le racisme est comme toujours la bonne vieille tactique du diviser pour mieux régner. La meilleure manière de faire reculer le racisme, c’est un mouvement social fort, offensif. Contrairement à ce que pensent (et ce qu’on leur fait penser) beaucoup de prolos, de sous-prolos ou d’exclus, leur intérêt est fondamentalement le même que celui de leurs frères de couleur, d’exploitation et de misère. Il faut souligner qu’aux USA, ce sont dans les Etats où les Noirs et les Latinos sont les plus exploités que les Blancs ont le moins de droits sociaux ».

« Ceux qui défendent le droit d’asile se heurtent à l’opinion commune, dominante »

De façon générale, « nous qui nous battons pour le droit d’asile, nous nous heurtons à l’opinion commune, dominante, répandue y compris dans des milieux se réclamant de l’antiracisme et de l’humanisme. C’est la fameuse formule qui prétend qu’il faut combiner humanité et fermeté : d’un côté, il faudrait faire preuve de compassion, mais de l’autre, « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde », se permettre de laisser « toute l’Afrique déferler chez nous », etc, etc. Ce qui bien sûr est une vision totalement fausse, pire, franchement mensongère : rappelons que l’immense majorité des réfugiés (politiques et/ou économiques, une autre distinction absurde pour mieux nous diviser) se concentrent dans les continents pauvres et dominés, ne fût-ce que parce que la plupart d’entre eux peuvent tout juste fuir leur pays de l’autre côté de la frontière - soit dans des pays également ravagés par la guerre, la misère, la famine ou les épidémies, lesquels n’ont, eux, pourtant pas d’autre choix que d’accueillir, contraints et forcés ces masses de fuyards. Seule une minorité ont les moyens de se payer les passeurs indispensables pour arriver en Europe. Qui, elle, se barricade comme une forteresse, en osant prétendre que cet ‘ afflux’ (très relatif, je le répète), serait ‘ insupportable pour nos finances publiques’ . Quand on sait le pourcentage effectif que représente cet accueil, c’est dérisoire, et franchement indécent de crier à la banqueroute ! De qui se moque-t-on ? ».

Quelqu’un comme Nicolas Sarkozy joue très intelligemment là-dessus : il régularise au compte-goutte et rapatrie en masse ».

« Les mesures de contrôle n’empêcheront fondamentalement rien »

Concernant les mesures accrues de contrôle, dont l’aboutissement est l’externalisation, « cela n’empêchera fondamentalement rien, car la pression migratoire continuera, face à un tel déséquilibre économique et social, organisé par nos pays nantis via l’échange inégal, mais aussi les guerres régionales, locales et civiles, que nos pays ont largement alimentées, voire fomentées.
Et cela ne fera qu’infliger donc des souffrances supplémentaires aux candidats forcés à l’exil, et dont ceux qui ne resteront pas sur le carreau, noyés dans le détroit de Gibraltar ou accrochés, voire électrocutés, sur nos barrières de barbelés, arriveront toujours plus nombreux». Il ajoute : « Mais il existe aussi un autre discours, très problématique : celui qui consiste à dire : pour que les migrants ne viennent plus, aidons-les chez eux, par les mesurettes de « formation/rapatriation », le cas échéant avec un petit pécule, ou via la Coopération au Développement. Dans l’absolu, ce discours est en partie vrai bien sûr. Mais dans le contexte actuel, il a quelque chose de mystificateur. D’abord, nous sommes dans un contexte de relations internationales et économiques de plus en plus inégales, où de surcroît, les budgets de la coopération au développement sont rabotés chaque année. Ensuite, nous sommes dans ce contexte de montée du racisme, et c’est déjà y sacrifier, ne fût-ce qu’inconsciemment, que de considérer les migrants comme un « problème ». Enfin, nous sommes entrés dans un nouveau cycle de migrations et il faut souligner que c’est irréversible. La seule et vraie question doit être : comment gérer ces migrations ? » .
Elle ne figure pourtant pas à l’agenda politique car elle impliquerait la remise en cause des choix économiques et politiques pris depuis de nombreuses années, en particulier le néolibéralisme et le consensus de Washington. .

Nombreux sont les sites qui pourraient alimenter la réflexion. Citons entre autres :
http://www.united.non-profit.nl/ , particulièrement les publications. Certains « information leaflets » concernent la forteresse Europe.
http://www.migreurop.org , le réseau Migreurop
http://www.picum.org , la Platform for International Cooperation on Undocumented Migrants
http://www.remisis.org , le Réseau d’information sur les Migrations Internationales et les Relations Interethniques.