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Congo : éléments de compréhension

Congo : éléments de compréhension

C’est un fait aujourd’hui reconnu : avec près de 3 millions et demi de morts, la guerre des Grands Lacs est le conflit le plus meurtrier depuis la seconde guerre mondiale. Les causes de ce cortège d’horreurs sont multiples, mais l’une des plus importantes est la surexploitation des ressources naturelles du Congo. Celle-ci a fait l’objet de la conférence organisée ce vendredi 27 janvier par le Service Civil International dans ses locaux rue Van Elewyck 35 à  Ixelles

Au départ, il devait y avoir deux intervenants : Benjamin Rubbers ( ULB ) et Marc-Olivier Herman ( Broederlijk Delen ). Le second ayant contracté une grippe, il a dû se désister. Le premier est chercheur au Centre d’Anthropologie culturelle de l’ULB et prépare une thèse de doctorat sur le rôle des anciens colons belges, italiens et grecs dans l’exploitation des richesses dans la province du Katanga et dans la société katangaise.

Filières et réseaux.

Un rapport des Nations Unies sorti en octobre a proposé des éléments de compréhension de cette terrible guerre. Il s’agit d’une guerre à  l’initiative de réseaux d’élites informels, de groupes criminels, dont le but – ou l’un des buts – serait le pillage. Dans la région de l’Ituri, particulièrement de Kilo Moto, c’est l’or et les réseaux sont principalement contrôlés par les Ougandais. Au temps de leur présence militaire directe, ils développaient des contacts avec des opérateurs congolais, via le MLC ( Mouvement de Libération du Congo ), leur laissant une assez large autonomie. Au Nord-Kivu, c’est le coltan ( pierre que l’on trouve dans les GSM ) et le diamant. Les réseaux sont contrôlés par les Rwandais. Au temps de leur forte présence militaire, ils avaient mis en place un bureau Congo strictement hiérarchisé et, accessoirement, utilisaient le RCD ( Rassemblement Congolais pour la Démocratie ) comme satellite. Soulignons que ce commerce du coltan, dans lequel quatre entreprises belges au moins sont impliquées, comme celui du diamant sont sans doute les plus souillés de sang. Ces trafics se sont accompagnés d’une occupation militaire particulièrement violente, aux conséquences humanitaires singulièrement graves pour la population.

Au Haut-Katanga et au Kasaï, c’est le diamant pour le second et le cuivre et le cobalt pour le premier. Là , les réseaux ont partie liée au gouvernement et à  l’armée congolais ainsi qu’aux alliés zimbabwéens. C’est ce cas de figure-là  que M. Rubbers s’attache à  expliquer dans sa conférence.

Les acteurs et leur histoire en Haut-Katanga.

Longtemps, le secteur de l’exploitation du cuivre et du cobalt a été dominé par une société : l’UMHK ( Union Minière du Haut-Katanga ) à  l’époque coloniale et la Gécamines sous l’ère Mobutu. C’était une véritable puissance, non seulement économique, mais aussi politique. En 1967, le régime Mobutu en fait une société publique : la Gécamines. Elle devient alors une réserve de prébendes, ce qui fait exploser les effectifs dans les années 70. Dans une perspective paternaliste très belge, elle finance aussi des projets sociaux. Elle est en outre la principale source de revenus pour l’Etat : 50 % des recettes dans les années 60 et 70 % dans les années 70. Mobutu augmente la taxation sur l’entreprise pour financer ses « éléphants blancs », ses projets pharaoniques, comme le barrage d’Inga. Mais la société va connaître un déclin. Premièrement, il y a les circonstances économiques externes : la baisse à  partir de 1974 des taux du cuivre sur les marchés internationaux et la flambée du baril du pétrole. Ensuite, il y a les deux guerres sur le territoire katangais en 1978-79, qui mettent à  mal des projets d’investissement. Ajoutons les ponctions de plus en plus fortes du régime Mobutu. Celui-ci subit dans les années 80 la pression des institutions financières internationales et est lâché par ses bailleurs de fonds. Ils se rabat sur la société. Enfin, il y a la logique de privatisation interne informelle de l’entreprise. Avec la prédation exercée par le régime Mobutu, les employés et les dirigeants se mettent aussi à  détourner de l’argent, voire du matériel. Cela doit être remis dans le contexte de la mutation des rapports de pouvoir : d’une dictature de fer, le Zaïre passe à  une oligarchie régionalisée et privatisée. Le détournement de biens sociaux et l’enrichissement sont utilisés par cette oligarchie pour affirmer pouvoir et munificence. Cela va entraîner un retard dans le travail d’exploitation des mines ( qui entraînera l’effondrement de la mine de Kamato ) et une chute vertigineuse de la production au début des années 90 ( de 134 000 tonnes de cuivre en 1992 à  45 000 en 1993 ). Cela force les dirigeants à  rechercher des partenariats avec le capital étranger. Léon Kengo wa Dondo, Premier ministre, lance des joint ventures : la Gécamines apporte les équipements et les techniques et les investisseurs étrangers l’argent. Ce système sera repris sous Laurent Désiré Kabila, sauf qu’il changera simplement de partenaires et durera jusqu’à  l’éclatement de la guerre en 1998. Là , les entreprises s’en vont. Mais nous le verrons, elles ne renoncent pas à  leurs visées sur des gisements aussi riches.

Ce sont des opérateurs zimbabwéens qui prendront alors le relais. Robert Mugabe appuie militairement le régime Kabila face à  l’invasion rwandaise et ougandaise ( à  propos de laquelle il est difficile de croire que les Etats-Unis ne lui aient pas donné le feu vert ) et contribue avec les Angolais à  le sauver in extremis. Son objectif est au départ géostratégique : contrebalancer le poids de l’axe Kampala - Kigali. C’est un ami du président Mugabe, William Rautenbach, qui prend 32 % des parts de la Gécamines. Il sera ensuite évincé, suite à  des déboires avec la justice sud-africaine. Les intérêts zimbabwéens se déplaceront alors vers une autre société, celle de John Bredenkamp, connu pour être aussi un trafiquant d’armes.

Un autre acteur, ce sont les opérateurs étrangers locaux. Le plus important est George Forrest. D’une petite société qui vendait des équipements à  la Gécamines dans les années 80, cet Océanien d’origine irlandaise a connu une fulgurante ascension, se trouvant aujourd’hui aux commandes d’une multinationale dont le siège social se trouve en Belgique. Il a débauché du personnel technique de la Gécamines et dispose d’un réseau de relations dans le monde politique congolais comme dans les milieux d’affaires internationaux. Soulignons deux faits qui donnent une idée de son pouvoir. Primo, le consul belge de Lubumbashi avait rédigé pour le ministre des Affaires étrangères Louis Michel un rapport très critique sur les activités de l’homme d’affaire, rapport qui a atterri le lendemain sur le bureau de Forrest. Secundo, deux hommes politiques belges au moins, Pierre Chevalier et Jean-Claude Marcourt, ont siégé dans le conseil d’administration de son entreprise. Il joue l’intermédiaire entre investisseurs étrangers et politiciens congolais, d’où sa puissance, énorme, mais qui doit être remise dans le contexte plus global de ce système.

Abordons le capital international. Pour les multinationales, la présence de la Gécamines est à  la fois une gêne, car il faut partager l’exploitation et les profits avec elle, et une chance, car elle a les équipements et l’expertise, d’où réduction des coûts. Dans les années 90, le secteur minier est en plein redéploiement et des entreprises de dimension globale émergent. Sous la pression de leurs actionnaires ( dont il serait intéressant d’établir une radioscopie ), elles doivent trouver des profits rapides, élevés, sûrs. Elles se sont lancées, nous l’avons vu, dans les offres de Kengo wa Dondo. Mais avec la guerre de 1998, elles se retirent du jeu. Cependant, pour un secteur en pleine restructuration, le Congo offre des opportunités qu’il est difficile de bouder. Pour externaliser les coûts, en d’autres termes pour que quelqu’un aille tirer les marrons du feu pour elles, elles font appel à  des petites sociétés, les juniors. C’est là  que le Congo prend tout son intérêt. La guerre permet d’obtenir des gisements à  bas prix. Les juniors s’en occupent. Puis, lorsque les grandes multinationales veulent récupérer les marrons extraits du feu, les juniors se vendent au plus offrant. Mélange d’horreur et d’affairisme. L’ombre de Léopold II continue décidément de planer sur le pays. Mais si la guerre a servi ces entreprises dans leur recherche de profits, elles ne sont pas disposées à  ce que celle-ci s’éternise et préfèrent que la situation se stabilise dans la région, en tout cas que les régions de gisement soient relativement sécurisées.

On pourrait mentionner un dernier acteur, les exploitants artisanaux. Lorsque la guerre éclate, le régime Kabila décide d’ouvrir certaines propriétés de la Gécamines à  ceux-ci. Ce sont des creuseurs qui extraient les minerais de surface, principalement l’hétérogénite, riche en cobalt. Ils sont aujourd’hui évalués à  40 000 au Katanga, organisés en équipe de deux à  six personnes. En gros, une équipe produit dix sacs par jour à  un ou deux dollars. On arrive à  une rémunération théorique de 240 dollars par mois. Rémunération très théorique, bien sûr. Au-dessus d’eux, il y a les négociants. Ils disposent d’un capital avec lequel ils louent un camion et ils fournissent une quantité minimale ( cinq tonnes ) au comptoir d’achat de la ville ou aux sociétés métallurgiques. Des entreprises peuvent donc employer des creuseurs. Celle de George Forrest le fait. Au-dessus des négociants, il y a les dépositaires, qui achètent aux négociants et peuvent les envoyer dans des sites. La filière des entreprises et celle des exploitants artisans évoluent parallèlement mais s’entremêlent aussi.

Intérêt et limites d’un rapport.

Le rapport de l’ONU offre des informations très intéressantes sur ce qui se produit actuellement au Congo, bien qu’il lui manque, au plan méthodologique, un solide socle socio-anthropologique. De surcroît, il se fonde sur une légitimité morale certaine. Mais il se heurte aussi à  certaines difficultés. La moindre d’entre elles n’est pas celle de trouver des preuves légales contre un opérateur économique en Afrique. Dans des pays européens ou en Amérique du Nord, la corruption implique de contourner le cadre légal, comme le montrent des scandales comme Enron et Elf. Mais au Congo, le cadre légal est tel qu’il n’est pas nécessaire de le contourner. On peut négocier la mise en scène du légal. Forrest, par exemple, peut faire passer des accords léonins et moralement illégitimes pour quelque chose de légal. Il reste à  voir si le nouveau texte constitutionnel offre des possibilités d’un cadre plus net. Plus généralement, il est difficile de faire la part des choses entre une activité industrielle normale et le pillage. En Europe, lorsque des entreprises font d’immenses profits et dévorent gloutonnement les aides publiques avant de fermer leurs portes, peut-on parler de pillage ? La réponse est loin d’être évidente. En fait c’est la question de la logique du capitalisme qui doit être reposée. Si le retrait des Rwandais et des Ougandais semble être une chose acquise ( mais n’ont-ils pas laissé des réseaux sur place ? ), les activités des hommes d’affaires continuent. Et il n’est pas sûr que les accusations ouvertes proférées par le rapport vont amener des modifications profondes. Si Fortis a, du moins officiellement, pris ses distances avec Forrest après que celui-ci ait été cité, une jeune Congolaise dans l’auditoire a dit que c’était surtout pour se donner bonne conscience et que moraliser pour moraliser ne servait à  rien. Changer véritablement la situation impliquerait amener le capitalisme à  renoncer à  sa mentalité du « pas vu, pas pris », donc à  cesser d’être capitaliste, et corriger les déséquilibres structurels dans les rapports Nord-Sud. Et quant à  la question de savoir s’il y avait la volonté politique dans ce but, l’auditoire comme l’intervenant étaient plus que sceptiques.