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La communauté musulmane et la lutte contre le Sida

La communauté musulmane et la lutte contre le Sida

Sarah Douik est chargée des relations internationales pour l'ONG Islamic Relief. Elle assure, entre autre, un travail de plaidoyer - aussi bien envers les communautés musulmanes qu’envers le public général, ainsi qu'au niveau des politiques européennes en matière de lutte contre le Sida (qui est un domaine d’action au sein d’Islamic Relief)

Lors du colloque à Johannesburg (21-26 novembre 2007), Sarah était modératrice de débat dans les petits groupes de discussion. Plusieurs modérateurs devaient animer les discussions sur des études de cas précis.
 
Quelles étaient les réactions les plus étonnantes de la part des participants dans les groupes de discussions ?
 
Ce qui m’a particulièrement frappé dans les discussions de groupes, c’est tout l’intérêt d’avoir une connaissance directe de la réalité sur le terrain. Des savants pouvant apporter une perspective religieuse poussée, donc pas uniquement une phrase qui va clore le débat, mais une analyse fine sur le plan religieux. Et puis les personnes directement atteintes. Pour vous donner un exemple ; il se trouvait que dans  un groupe que j’animais, il n’y avait ni savant, ni de personne atteinte du Sida. Les participants m’ont demandé la présence d'au moins 1 savant et 1 personne atteinte du Sida. Ces personnes sont venues dans le groupe et ces deux personnes ont été accueillies avec la même attente positive, car le groupe ressentait qu’il avait vraiment besoin de ces 2 personnes-là.
 
Y a-t-il autre chose qui vous a marqué ?
 
Ce qui m’a marqué c’est de voir à quel point les savants avaient besoin de ce contact avec le terrain. A quel point les acteurs de terrain demandaient des avis religieux, car ils étaient face à des situations qui demandaient une analyse profonde et une réflexion islamique. Les personnes atteintes du Sida ont envie de partager leur expérience. Cet échange permet de prendre en compte des aspects et discours qui ne sont pas en décalage avec la réalité.
Tout ceci a amené à des discussions de cas précis et surtout à des solutions précises.
J’espère que le compte rendu des discussions va aider les personnes qui sont vraiment sur le terrain. Souvent elles sont confrontées à des situations très difficiles, autant sur le plan éthique que moral. Rassembler les avis permet d’avoir plus d’idées, plus de capacités à gérer les situations.
 
Les personnes atteintes de Sida, comment ont-elles vécu cette initiative du colloque ?
Le fait de pouvoir enfin partager leur vécu, leurs interrogations, comment ont-elles ressenti cela ? Avez-vous eu l’occasion d’en parler avec l’une d’entre elle ?

 
Oui, les personnes atteintes du Sida se sont exprimées en session plénière ainsi que dans les groupes de discussions. Elles éprouvaient un besoin de s’exprimer auprès de leur communauté, pour pouvoir alerter tous les acteurs de la communauté musulmane, indistinctement, sur le fait que les musulmans sont également touchés. Il ne suffit pas d’être musulman et d’avoir de bonnes valeurs morales pour être prémuni du Sida.

Quelque chose qu’on connaît très peu, notamment au niveau des femmes musulmanes, sont qu’un grand nombre de femmes infectées par la Sida, n’ont pas connu d’autre partenaire que leur mari. C’est aussi une chose très importante. Quand vous avez une femme qui porte le hijab qui explique son expérience, mais qui demande aussi des explications. Elle demande pourquoi elle a été discriminée par sa communauté, elle explique comment elle a été traitée quand sa séropositivité a été reconnue. Ces témoignages ont fait changer la mentalité de tous les participants. Pour les personnes atteintes du Sida, c’était une manière de se rendre justice à elles-mêmes. Elles ont été victimes de discriminations et d’injustices. En leur donnant la parole la communauté musulmane a réparé un certaine injustice. Elles étaient soulagées d’enfin pouvoir s’exprimer.
 
Quelle était leur perception sur la vie après le diagnostic ?
 
Nous pensions que pour ces personnes malades leur vie était finie. Ces personnes ont fait tout un travail sur elles-mêmes pour se dire qu’en fait c’était leur vie qui commençait. Le fait de pouvoir s’exprimer était justement un aboutissement de ce travail d’auto-reconstruction autour de leur séropositivité.
 
Pourriez-vous donner un exemple ?
 
Il y avait une femme d’Indonésie qui s’était droguée. Elle avait attrapé le virus HIV à travers les seringues à usage multiple. Cette personne, quand elle s’est découverte séropositive, elle s’est rendue compte que sa vie devait changer. Effectivement c’est une personne qui a arrêté de prendre de la drogue, qui s’est mariée, qui a eu un enfant. C’est une personne qui a réalisé au moment où elle a été contaminée, qu’il fallait qu’elle se prenne en charge. L’interaction entre ces personnes était intéressante à voir. Une femme tanzanienne qui vit au Canada, une autre femme d’Indonésie, un homme indien, donc vous aviez des gens de partout, qui pouvaient se rendre compte que d’autres personnes avaient traversé les mêmes épreuves, et ainsi apprendre les unes des autres. 
 
Avez-vous remarqué une différence entre le Nord et le Sud, également au sein de la communauté musulmane, par rapport à la perception du Sida ?
 
Je ne dirais pas qu’il s’agit d’une différence entre le Nord et le Sud. On a pu voir des clivages pendant cette conférence. C’était tout l’intérêt, que le clivage ne soit pas facteur de division mais qu’il soit facteur de débat pour apprendre les uns des autres. On pourrait voir trois groupes, en caricaturant, bien évidemment il s'agit d'une impression subjective.

Le premier groupe, les musulmans issus de pays européens, qui vont avoir une approche plus pragmatique de la lutte contre le Sida. Ensuite, nous avons eu un deuxième groupe, les pays moyen-orientaux qui se basaient surtout sur des questions de principes, ayant peut-être un besoin de mieux comprendre le fléau en Afrique. La conférence a eu un impact très important sur ces personnes. Ils se sont rendu compte que si l’épidémie n’était pas prise à temps dans leur pays, avec l’aide des autorités auprès des groupes les plus vulnérables, il y avait un risque de propagation à toute la population. Donc, c’était une prise de conscience pour ce groupe.

Le troisième groupe, les pays africains ou les pays en voie de développement, autres que les pays arabes et moyen-orientaux, qui sont face à une épidémie beaucoup plus prononcée. Ils ont une approche très pragmatique.
 
Quel était le résultat des ces rencontres ?
 
Il y avait des approches et des méthodologies différentes, et c’était intéressant de confronter cela. Par exemple, les campagnes réalisées en Inde intéressaient d’autres participants qui voulaient voir les spots d’information pour pouvoir éventuellement les utiliser dans leurs pays.
 
Il y a de nombreuses guerres dans les pays musulmans, où de nombreuses femmes sont victimes de viol, acte qui est souvent à la source de la contamination des femmes. Comment éviter justement l’épidémie en temps de guerre ? Est-ce que ce sujet a été abordé lors du colloque ?
 
En tant qu’ONG humanitaire la question du Sida en temps de guerre est une question brûlante et vraiment très importante, parce que quand on met en place des opérations humanitaires, la composante du Sida est une composante transversale à prendre en compte. Par exemple, Islamic Relief gère des camps de réfugiés et des déplacés internes au Soudan, c’était un fait avéré que les femmes qui allaient chercher du bois pour pouvoir préparer la nourriture pour leur famille sont souvent attaquées par des groupes rebelles et violées. J’ai travaillé sur ce sujet en essayant de travailler sur des outils de formation et de prévention, préparé à la fois par les Nations Unies et par une autre ONG. Nous les donnons à nos experts sur le terrain, qui avaient eux-mêmes aussi mis en place certaines mesures comme par exemple, faire en sorte que ces femmes soient accompagnées par des patrouilles. Faire en sorte d’utiliser des matériaux de combustion plus écologique pour que les femmes aient moins besoin de sortir.

Il y a toute une série de solutions très pratiques pour effectivement essayer de limiter les risques, mais c’est encore un domaine dans lequel les acteurs humanitaires ont énormément de communication à faire.  Par exemple, Islamic Relief et ses différents bureaux au Soudan communiquent entre eux, pour mettre en place une stratégie globale, et après ils communiquent avec le Tchad. C’est une problématique à laquelle la communauté internationale est de plus en plus sensible. C’est une condition très importante quand on travaille avec des bailleurs de fonds, tels que la Commission européenne, ce que nous faisons souvent dans le cadre de mission humanitaire, le Sida doit être pris en compte comme une composante transversale, c'est-à-dire, pour chaque action nous devons voir s’il n’y aura pas des conséquences par rapport à la transmission du Sida.
 
Est-ce que vos camps sont protégés d’une certaine façon ?
 
Nous essayons de limiter les risques et de faire en sorte que la protection des réfugiés soit la meilleure possible. Maintenant nous sommes dans une situation de conflit, donc nous ne pouvons pas garantir que les camps soient sûrs pour tout le monde. 
 
Est-ce que vous assurez le dépistage systématique ?
 
L’idée de la consultation (cfr. Colloque à Johannesburg) était de pouvoir mettre en place une politique uniforme  au sein d’Islamic Relief sur les positions par rapport à ces questions-là et les domaines dans lesquels nous allons nous engager. Pour l’instant, Islamic Relief a apporté le soutien à des orphelins dont les parents sont décédés ou qui eux-mêmes sont atteints par la maladie.  Et des programmes de prévention, notamment à travers les jeunes femmes, à travers les imams.

Notre action concrète concerne donc notre programme de prévention et de soutien aux orphelins. Nous nous engagerons probablement encore dans d’autres actions qui restent à définir. Pour l’instant, nous n’avons pas de centre de dépistage. Le dépistage a été abordé lors des discussions, et les avis divergent énormément sur la question. Certaines personnes disent que les résultats peuvent être trafiqués très facilement, donc qu’on peut être dépisté étant séronégatif mais être en fait porteur du virus, parce qu’il y a trois mois de latence. Donc il y a toute une série de débats, même sur ces questions-là. Ce qui était intéressant lors de la conférence était de débattre de toutes les questions en profondeur.

[Cette interview était fait en janvier 2008]