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Congo / La Banque mondiale et l’Union européenne débarquent avec un plan d’accompagnement

Congo / La Banque mondiale et l’Union européenne débarquent avec un plan d’accompagnement

Seul, le Congo ne peut s’en tirer. L’Occident est disposé à l’aider, si le pays met ses affaires en ordre et se laisse accompagner. Ce plan, ce sont la Banque mondiale, la Commission européenne et les donateurs du Congo qui l’ont élaboré. À la mi-mars, il y aura sans doute déjà une nouvelle commission pour coacher le Congo. On a travaillé en silence, un an durant, à cette « construction ». Et, officiellement, le Congo n’a toujours pas été consulté.

(une version légèrement modifiée de cet article a paru en février 2007 dans Mo* Magazine)

[Note préliminaire : Le présent article date du 19 décembre 2006 et décrit la situation telle qu’elle m’était connue à l’époque. Par la suite, une série de nouvelles données importantes sont apparues.

• Le 27 février, Koenraad Adam, du ministère des Affaires étrangères, déclare au sein du groupe de travail informel du parlement sur le Congo que « le gouvernement Gizenga reprend les propositions internationales dans l’Annexe de son programme gouvernemental ». Cela concerne-t-il les documents discutés ci-dessous de la Banque mondiale et de l’Union européenne ? Sans doute que oui. Selon le porte-parole de Louis Michel, Commissaire européen pour le Développement, ces documents ont été remis au président Kabila à Kinshasa, dès le 6 décembre (le jour de son accession à la présidence).

• Le point crucial, c’est que, pour l’UE, des conditions sont bel et bien liées à la procédure décrite ci-dessous. Le Congo recevra un soutien financier (encore à négocier) s’il s’en tient à l’application stricte des plans occidentaux. La chose m’est confirmée le 17 janvier au cours d’un entretien informel avec le cabinet du commissaire européen Louis Michel. « On ne doit pas avoir l’impression que nous posons un dictat », déclare cette source, « car, sur ce plan, nous avons tiré notre leçon du Burundi. Le Congo doit s’approprier la chose. Nous sommes ouverts aux négociations. Mais si nous posons des conditions maintenant, le risque augmente que nous n’aboutissions à rien. Mais, en fin de compte, nous visons bien un contrat, selon le schéma ‘donnant donnant’. Nous voulons un cadre général de bonne gestion, nous voulons établir la chose par contrat, sans déjà nous amener maintenant avec des conditions. »]

Un contrat occidental pour le Congo

Le fruit d’exactement une année de préparatifs intenses est jusqu’à présent demeuré en grande partie confidentiel. Néanmoins, l’affaire concerne ici une initiative à grande échelle pour le Congo et ce, pour les quatre années à venir. Les Nations unies, la Banque mondiale et l’Union européenne ont lancé la machine. Et tous les principaux pays donateurs y contribuent.
La chronologie est décrite dans le recueil Country Assistance Framework (CAF - UN Integrated Office) du 20 september 2006. En février 2006, les Nations unies et la Banque mondiale discutent la question de savoir si elles peuvent lancer un « Cadre stratégique commun » pour le Congo. Elles décident de joindre leurs notes stratégiques respectives en un seul document, le Country Assistance Framework (CAF). En mai, la Grande-Bretagne, la Belgique et la Commission européenne – dans cet ordre – se réunissent et se partagent le travail.
D’après le même recueil, à l’issue d’une assemblée à la Banque mondiale à Washington, en mai, le scénario général est prêt. Le fameux Framework consistera en cinq piliers.

Une « Bonne Gestion »

Le premier pilier concerne la « Bonne Gestion ». Il est défini par la Banque mondiale et la Commission européenne. Toutes deux rédigent un Governance Compact. Celui-ci définit « ce que les donateurs donneront dans la cadre de ce qui sera proposé en vue des réformes administratives que le Congo doit réaliser entre 2007 et 2010 » (Background Informal Paper-BIP, juillet 2006).
Les réformes sont réparties en sept catégories, dont quatre ont la priorité : la réforme du secteur de la sécurité (police, armée, justice), la transparence (sur les rentrées et les dépenses, les contrats miniers et forestiers et via, entre autres, une consolidation de la Cour des comptes), la gestion des finances publiques (extension de la base d’imposition, douane, rentrées fiscales des mines…), et la gestion des richesses naturelles (exploitations forestières et minières). Les autres réformes concernent l’administration publique, les administrations locales, la vie des entreprises et le climat des investissements.
Pour les auteurs du Compact, c’est la mauvaise gestion qui est à la base de la crise au Congo. « La mauvaise gestion a rendu impossible la transformation des richesses du pays en de meilleures conditions de vie pour la majorité et elle a abouti à ce que l’État reste en demeure et finalement, sombre dans la guerre. »  (tiré de : BIP).

Fin juin, un fonctionnaire des Nations unies parle du document avec un correspondant de l’International Crisis Group, qui écrit à son tour : « Le Governance Compact (...) dépend en grande partie de la volonté de tous les donateurs – y compris les institutions financières – d’obliger le gouvernement congolais d’accepter des réformes allant très loin et parfois même imposées. » Il s’agit de recommandations qui doivent encore être approuvées par tous les donateurs et par le gouvernement congolais. (« Escaping the conflict trap », ICG, 20 juillet 2006).
Hans-Jürgen Schlamp, journalist à Der Spiegel, est beaucoup plus sévère. En août, il a vent de deux réunions de travail « strictement confidentielles » à Kinshasa. Sa conclusion est que « l’UE et les EU entendent placer sous curatelle les futurs dirigeants de Kinshasa » (« Riskante Patenschaft », Der Spiegel, 14 août 2006). Petit signe en passant : les autorités congolaises n’ont été invitées à aucune des deux réunions.

Les autres piliers

Le 9 juillet, lors d’une réunion à Bruxelles, on discute de l’état de la situation. Pour la première fois, l’Allemagne est de la partie. La Belgique loupe la réunion. D’après une note interne, notre pays craint toutefois que le plan d’action « ne se mue en une libre énumération des éléments liés à une bonne gestion de l’État, une sorte de liste de shopping » (Note du 12 juillet 2007).
On continue aussi à travailler aux autres piliers du Country Assistance Framework. Leurs noms : « Croissance pour les pauvres », « Services sociaux » (à savoir, santé, enseignement, eau et électricité et protection sociale), « VIH-sida » et « Reconstruction communautaire ».
Huit groupes de travail, avec chaque fois une ou deux directions, en assument désormais l’élaboration détaillée. La Banque mondiale et la DFID (l’aide britannique au développement) dirigent le cluster « Croissance », les Nations unies et la Belgique se chargent du pool « Services sociaux » et les Nations unies de la « reconstruction communautaire ». La Belgique elle-même se concentre sur des points d’action en matière de santé. Il est à remarquer qu’à cet effet, en décembre 2006, la Belgique mobilise également les services concernés et les ONG qui s’occupent de développement.

Comme source d’inspiration des piliers, on va chercher le Poverty Reduction Strategy Paper (PRSP). Le Congo a rédigé ce document en compagnie de la Banque mondiale. Les diverses articulations de la société congolaise ont en outre pu donner leur avis. L’intention, désormais, est de traduire les « stratégies au sens large » du PRSP en un « plan d’action pratique, centré sur les résultats » avec, en 2007 déjà, des « victoires rapides » et des « résultats visibles » et, ensuite, des objectifs à plus long terme (BIP).
Fin septembre, un calendrier est prêt jusque décembre. Le Framework est désormais décrit comme « un cadre de travail harmonisé d’assistance pour aider le Congo à atteindre rapidement les objectifs millénaristes via le financement des priorités du PRSP » (CAF, UN Integrated Office, 23 septembre 2006). Et l’ambition y est : « Atteindre les objectifs millénaristes dans les 5 ans, pas dans 20 ou 30 ans » !!!
Les huit groupes de travail se voient confier la mission de traduire les points d’action en slogans (« Big Ideas »). Par exemple : « Tous les enfants du Congo auront accès à l’enseignement primaire gratuit et obligatoire. » Fin novembre est également prête une version au brouillon d’une « Results Matrix », qui permettra de mesurer et évaluer la réalisation des piliers et des objectifs spécifiques (« Benchmarks »).
À ce moment, la Belgique constate que « le mécanisme de coordination tourne bien » (Note BuZa, 21 novembre). Tous les grands donateurs participent, sans oublier la Chine et les États-Unis. « Il est essentiel », dit encore la note, « de déjà préparer le CAF, de sorte que, dès que le nouveau gouvernement entrera en fonction et approuvera, comme on s’y attend, le PRSP, on pourra discuter des priorités et des budgets sur base du CAF qui aura été préparé. (…) En avril-mai 2007, quelques mois après l’entrée en fonction du nouveau gouvernement, le groupe consultatif pourrait alors se réunir. »

L’unilatéralisme

Et les autorités congolaises ? À notre connaissance, elles n’ont pas été impliquées directement dans la rédaction du CAF. On peut se poser la question de savoir si la communauté internationale ne va pas commettre le même impair qu’avec l’Eufor. En janvier 2006, l’UE avait commencé à mijoter des plans en vue de la présence d’une force militaire européenne au Congo. Mais les autorités congolaises n’en savaient rien, au départ. Dans ces circonstances, l’Eufor risquait – pour reprendre les mots du ministre de la Défense Flahaut – de devenir « une force d’occupation ». Ce n’est qu’en mars que la question fut réglée de façon protocolaire.
« Ici, cela concerne la concertation informelle organisée par la banque mondiale et l’UE », répond le porte-parole du ministre De Gucht, quand on lui pose la question, dans un e-mail daté du 20 septembre 2006. Mais, « en même temps, des signaux clairs ont été donnés aux autorités congolaises ». « C’est surtout avec les autorités légitimes (élues, NdlR) et démocratiques qu’une véritable concertation pourra avoir lieu à propos des importants dossiers de la reconstruction, de la bonne gestion et de la transparence. »

Des « conquistadores »

Comment assurer le suivi de la mise en application du Country Assistance Framework ? Dès le début, on pense à « un instrument pour permettre aux donateurs de coordonner (la mise en application du CAF, NdlR) entre eux et avec les autorités congolaises et de suivre le progrès en direction du Benchmark » (BIP, juillet 2006).
Cela fait penser au Comité International d'Accompagnement de la Transition. Ce Comité, fondé en application de l’Accord de paix de Pretoria de fin 2002, est dirigé par le diplomate américain William Swing (en tant que chef de la force de paix des Nations unies au Congo). Il est composé des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni), de l’UE et de l’Union africaine, de l’Afrique du Sud, du Gabon, de l’Angola, de la Zambie, de la Belgique et du Canada. Ce groupe suit de très près l’évolution politique au Congo et la commente également, surtout dans les moments de crise (comme lors des graves incidents des 20, 21 et 22 août à Kinshasa). Mais le CIAT, en tant qu’institution officielle de la Transition, est dissous au moment de l’installation des nouvelles institutions élues, car c’est ce qui marque également la fin de la Transition.
Dans ce dossier, la Belgique joue un rôle de pionnière. En mars 2006 déjà, l’ambassadeur de Belgique à Kinshasa, Johan Swinnen, est le premier à poser ouvertement la question de savoir si, après la Transition, il ne faudra pas installer un CIAT-bis. Début juillet 2006, durant la réunion de Bruxelles, la nécessité d’un mécanisme de suivi semble bien acquise. Mais il n’y a pas de consensus à propos des modalités. La Belgique verrait volontiers que ce mécanisme reçoive sa « propre identité ». S’il faut en croire la note du 12 juillet, les États-Unis et la Grande-Bretagne y pensent précisément aussi. La Belgique souhaite également « une approche plus politique » : tout comme son prédécesseur, le CIAT-bis doit pouvoir se pencher sur la politique congolaise. « Un groupe de donateurs pour une bonne gouvernance », résume l’International Crisis Group, « pour coordonner non seulement des projets politiques, mais aussi des pressions politiques. » (ICG, 20 juillet 2006).
Le 4 septembre, le ministre De Gucht propose ensuite publiquement « la création d’une structure propre », « un mécanisme de suivi post-Transition en vue d’accompagner la reconstruction du pays et la remise en place des institutions » (Discours tenu lors des « Journées diplomatiques », 4 septembre 2006). Peu après, le secrétaire général de l’ONU, Koffi Annan, ne laissera planer aucun doute sur la question : « Le mécanisme », écrit-il, « doit remplacer le CIAT. » (22e Rapport de la Mission de l’ONU au Congo, 21 septembre 2006).

Début décembre, la tactique est établie, au sein du groupe Compact : il veut entamer officiellement, en février, la discussion autour de la création du nouveau mécanisme de suivi, à l’occasion du prolongemnt du mandat de la Monuc. C’est ce qui se passe le 15 février.
Le président congolais Kabila n’a pas envie de voir s’installer un CIAT-bis. Désormais, il choisit des contacts bilatéraux. Il l’a clairement fait entendre au lendemain de sa victoire électorale (« Le Kabila nouveau sorti des urnes promet de surprendre », Le Soir, 16 novembre 2006). Kabila aurait même traité le CIAT de « conquistadores » (Un participant du CIAT cité dans « Staying engaged after elections », ICG, 9 janvier 2006). Voilà assurément matière à conflit.
[En complément : la discussion sur l’association du mécanisme d’accompagnement au nouveau mandat de la Monuc a été temporairement évitée. En attendant, le mandat de la Monuc a été prolongé de deux mois, jusqu’au 15 avril 2007.]

OOO

Les encarts ci-dessous ont été utilisés sur MO*-WEBSITE

Encart 1 – « Compact » pour une « Bonne Gestion »

L’idée du « Governance Compact » est venue du Liberia (Note interne belge, 21 novembre 2006). En février 2004, le Liberia avait fait l’objet d’une conférence au cours de laquelle les pays donateurs avaient décider de coordonner leur aide au pays. « Pour reconstruire le pays et son infrastrcuture, le Liberia a besoin de tout un argent dont il ne dispose pas », avait déclaré Mark Malloch Brown, du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), à cette occasion. Les Nations unies, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et le gouvernement américain avaient estimé à l’époque que 500 millions de dollars au moins étaient nécessaires. La conférence avait abouti à la création d’un « Results Focused Transitional Framework » (RFTF – Cadre transitionnel concentré sur les résultats), qui allait désormais constituer la plaque tournante de l’aide humanitaire et de l’aide au développement destinées au Liberia.
La similitude avec la République démocratique du Congo est remarquable. Le Congo lui aussi sort d’un long conflit, il n’a pour ainsi dire plus une seule administration en état de fonctionnement et il est aux prises avec une corruption profondément enracinée. En outre, le pays s’est totalement effondré.
En décembre 2002, les parties belligérantes qui se disputaient le Congo signaient l’Accord de paix de Pretoria, lequel prévoyait une Transition politique au sein de laquelle la communauté internationale se voyait elle aussi confier un rôle. Elle allait accompagner la Transition à partir du Comité International d'Accompagnement de la Transition (CIAT).
Mais l’initiative prévoyant de continuer à assister le Congo également après la fin de la Transition n’y figurait pas. Cette initiative émanait bel et bien des Nations unies et de la Banque mondiale. Au printemps 2006, celles-ci sont rejointes par l’Union européenne et par les premiers d’une série de pays donateurs, dont la Belgique.
En septembre 2006, ce groupe de donateurs et d’institutions tenait déjà prêt un plan de reconstruction du Congo, le Country Assistance Framework. On en ignore le contenu exact, mais on sait quelles en sont les composantes générales.
Un premier pilier consiste en un projet de Governance Compact, dont le but est d’apporter au Congo une « saine gestion ». Ce document comprend dix objectifs stratégiques. Ils sont entres autres résumés dans une première version d’un « Results Matrix », un instrument destiné à contrôler s’il y a des progrès dans la réalisation des objectifs.
Les quatre premiers objectifs concernent la réforme du secteur de la sécurité. La police et l’armée doivent devenir des corps professionnels unifiés, la solde des militaires doit être augmentée, la justice doit être adaptée à la nouvelle constitution.
Le cinquième objectif, la « Transparence », vise le contrôle des dépenses des autorités et des contrats conclus à ce propos par le gouvernement et les institutions indépendantes. Le sixième objectif vise l’accroissement des recettes du gouvernement et une modernisation de la pratique du budget. En sept, vient une gestion durable des richesses naturelles sur une base juridique. En huit, suit la réforme de l’administration pour en faire une structure professionnelle dotée d’un cadre juridique. En neuf, figurent la mise sur pied de « systèmes de confiance » aux niveaux provincial et local et le renforcement de la possibilité d’assurer des services sociaux.
Le dixième objectif stratégique, enfin, vise l’instauration d’une législation et d’un environnement favorables aux investissements, ainsi que la réforme des entreprises publiques conformément aux critères appliqués sur le plan international.

Encart 2 – Le « Framework » en vue de la reconstruction

Que des pays et des institutions décident de relancer un pays ou une région en état d’indigence, cela n’a rien de neuf, naturellement. Mais ce qui est relativement récent, toutefois, ce sont les formules du type « Compact » - littéralement « contrat » - ou « Assistance Framework ».
À cette fin, les États-Unis ont adjoint un véritable service public à leur ministère des Affaires étrangères, la Millennium Challenge Corporation (MCC – Société du défi millénariste). Jusqu’à présent, ce service a scellé une dizaine d’accords avec des pays différents. Le plus récent, également le plus important, date de novembre 2006, il concerne le Mali, un pays de l’Afrique occidentale, et fait miroiter à l’horizon une assistance américaine de 461 millions de dollars.
Dans le cas du Congo, il est question d’une large initiative multilatérale dans laquelle pays donateurs et institutions conjugueront et coordonneront non seulement leurs efforts mais aussi leurs objectifs concernant le Congo.

Une reconstitution chronologique est utile pour comprendre tous les tenants et aboutissants de l’affaire.

• Février 2006, Kinshasa
Les bureaux des Nations unies et de la Banque mondiale pour le Congo unissent leurs plans d’avenir pour le pays (le Development Assistance Framework de l’ONU et la Country Assistance Strategy) pour en faire le Country Assistance Framework (CAF).

• Mai 2006, Washington
La Banque mondiale et la Commission européenne entament l’élaboration du CAF.
Il consiste en cinq piliers : la « saine gestion », la croissance « pour les pauvres », les secteurs sociaux, le VIH/sida et la reconstruction communautaire. Le troisième pilier, celui des secteurs sociaux, est subdivisé en quatre thèmes : enseignement, santé, eau et électricité, protection sociale.
C’est également à Washington que l’on discute en détail le premier pilier du CAF : le Governance Compact pour une « saine gestion » au Congo.
Pour chaque pilier, des groupes de travail sont constitués, avec des techniciens en provenance des pays participants, ainsi que des institutions et des conseillers. La Belgique « dirigera » le troisième pilier, celui des « secteurs sociaux » et, en particulier, sa composante « santé ».

• Juillet 2006, Bruxelles
Réunion autour du Governance Compact. Pour la première fois, le ministre belge De Gucht fait état du Compact dans un discours prononcé devant la Chambre de Commerce belgo-luxembourgeoise et le groupe de pays de l’ACP.

• Août 2006, Kinshasa
Concertation informelle autour du CAF et du Compact. Le Congo n’y est toujours pas invité. Selon Der Spiegel, les États-Unis et l’UE veulent se servir du Compact pour imposer une tutelle au Congo.

• Septembre 2006
Le ministre De Gucht lance officiellement la proposition de créer un comité international au Congo, comité qui devra assurer le suivi de la mise en application du CAF.
Pour chacun des piliers du CAF, une présentation power-point est prête qui en reprend les grandes lignes. Le bureau des Nations unies pour le Congo les résume en un seul récapitulatif. On convient également d’un agenda valable jusqu’en décembre. Le secrétaire général de l’ONU, Koffi Annan, demande que l’on continue à travailler autour du CAF et du Compact et propose de les présenter le plus rapidement possible au gouvernement congolais.

• Octobre-novembre 2006
Des textes transpirent, contenant de beaux principes ronflants. Ce qui importe, c’est l’« ownership » (le droit de propriété) du (et par) le Congo : les autorités congolaises doivent considérer ces plans comme les leurs en propre. C’est pourquoi la Banque mondiale et l’UE insistent pour que l’on parte de documents qui ont été rédigés par les autorités congolaises et, en premier mieu, du plan de lutte contre la pauvreté prévu pour le Congo (le fameux PRSP), qui a été rédigé en étroite collaboration avec la Banque mondiale.
Le 17 novembre, au cours des European Development Days (Journées européennes pour le Développement), qui ont lieu à Bruxelles, Paul Wolfowitz (Banque mondiale), le commissaire européen Louis Michel et le représentant de l’UE, Javier Solana, scellent le CAF pour le Congo.

• Décembre 2006, Bruxelles
Conférence de travail (deux journées : les 13 et 14 décembre) à la Commission européenne.
Encore quelques lignes de force émanant des piliers.
L’objectif économique est de réaliser une croissance économique élevée. Le raisonnement est en effet le suivant : la croissance va mener à la prospérité et à moins de pauvreté. Le pilier « pro poor » (pour les pauvres) ne comporte pas d’objectif spécifique concernant les revenus, mais bien concernant la redynamisation des transports, le climat d’entreprise, l’agriculture, le secteur minier, l’industrie et les services.
La « reconstruction communautaire » veut surtout stabiliser les « communautés très volatiles » et aider les communautés rurales durement touchées. Le pilier des secteurs sociaux entend rendre accessible et gratuit partout l’enseignement primaire et continuer aussi à améliorer l’accès aux soins de santé tout en rendant disponibles davantage de personnel et de médicaments. Pour les groupes de population très vulnérables, un « filet de sécurité minimal » pour être mis sur pied. Enfin, le principal objectif du pilier VIH/sida vise à stopper la propagation du sida et à améliorer les conditions de vie des personnes qui en sont atteintes.

Encart 3 – La carotte ou le bâton ?

Il est bizarre qu’un programme aussi étendu que le Country Assistance Framework n’ait pas encore vraiment accaparé l’attention des médias. Une seule fois, il y eut quelque tapage médiatique, en août 2006, lorsque l’hebdomadaire allemand Der Spiegel révéla l’initiative. La vérité, à l’époque, était encore loin d’être claire. Der Spiegel écrivait par exemple que les États-Unis et l’Union européenne voulaient placer la République démocratique du Congo « sous curatelle » (alors que, dans ce cas, les États-Unis n’auraient pas eu un rôle dominant). L’article donna toutefois lieu à une rumeur retentissante : il disait que chaque dépense du gouvernement congolais nécessiterait deux signatures, l’une de Washington et l’autre de la Commission européenne.
Mais ce n’est pas (ou plutôt : « plus ») ainsi que fonctionne la communauté internationale. Par contre, l’approche actuelle est bel et bien placée sous le signe de l’« appropriation », du dialogue et du partenariat. Mieux vaut un partenaire condescendant qu’un empêcheur de tourner en rond qu’il convient de convaincre par des moyens coercitifs. Pour le Congo non plus, officiellement, on ne s’écarte pas de cette ligne de conduite, même si le pays a gardé des décennies de dictature mobutiste une corruption profondément enracinée qui n’a fait que se renforcer par une guerre de pillage particulièrement sanglante. Et même si, au cours des prochaines années, beaucoup d’argent y passera vraisemblablement encore.
Les budgets dont il est question désormais sont énormes. L’Union européenne double son enveloppe pour le développement du Congo, laquelle passe ainsi à 411 millions d’euros (pour la période 2008-2013) ; l’ONU estime qu’elle aura besoin en 2007 d’au moins 687 millions de dollars pour l’aide urgente aux communautés les plus durement touchées du Congo. À cela viendront s’ajouter les fonds prévus pour la mise en application du Country Assistance Framework des donateurs et des institutions internationales. Ce budget doit encore être chiffré.
Pour ne pas que cet argent s’éparpille on ne sait où, les bailleurs de fonds entendent que le Congo adopte une attitude irréprochable. Tel devient l’enjeu des négociations et des engagements. Il faudra tenir à l’œil la façon dont les autorités congolaises nouvellement élues s’y attelleront.
Officiellement, les autorités congolaises n’ont pas encore été initiées au Framework. Le mois dernier, les Affaires étrangères de Bruxelles ont déclaré qu’un brouillon du CAF avait été adressé au cabinet du président Kabila.
Depuis septembre dernier, la communauté internationale a toutefois préparé mentalement les cercles politiques et l’administration du Congo. La Belgique y a travaillé d’arrache-pied. Ce genre d’approche fonctionne. « La compréhension que les Congolais eux-mêmes ont tout intérêt à améliorer leur administration et leur gestion va croître spontanément », révélait une note des Affaires étrangères, fin novembre. « Ici, une dynamique positive se remarque chez les figures clés de la politique et au sein des institutions parlementaires de la RDC, et la Belgique se doit de la soutenir absolument. »

Raf Custers. Traduction: Jean-Marie Flemal