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Lord of war : entre pamphlet politique et drame existentiel

Lord of war : entre pamphlet politique et drame existentiel

Un travelling sur un parterre de cartouches, certaines rouillées. Un homme vu de dos, se retourne vers le spectateur. C’est Youri Orlov, le antihéros de l’histoire. Il y a 550 millions d’armes en circulation à  travers le monde, soit une arme pour 12 personnes. La seule question est : comment armer les 11 autres ? Le générique n’est pas moins déstabilisant. Avec la chanson For what it’s worth du groupe Buffalo Springfield, on suit le parcours d’une balle, de son usine de fabrication jusque dans le front d’un adolescent dans une ville africaine dévastée par la guerre civile, en passant par l’Ukraine.

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Youri Orlov, magistralement campé par un Nicolas Cage qui ne recule pas devant les nouveaux défis artistiques, est issu d’une famille d’immigrés ukrainiens à  Little Odessa, New York, qui a quitté l’URSS alors qu’il était enfant. Alors qu’il galère dans le restaurant familial, il assiste en 1982 à  un meurtre entre mafieux russes. Là  lui vient l’idée, qui conditionnera tout son destin : vendre des armes. Tel Henry Hill dans Goodfellas ( Martin Scorsese, 1990 ) ou Tony Montana dans Scarface ( Brian De Palma, 1983 ), il veut escalader la montagne du rêve américain ( dans une version mondialisée ) quitte à  le faire par son versant sombre. Cela donne sans doute une petite idée du panthéon des cinéastes où souhaiterait figurer Andrew Niccol. Nous devons déjà  à  ce Néo-zélandais Gattaca (1998), où mêlant intrigue hitchcockienne, méditation à  la Kubrick et histoire d’amour compliquée façon Nouvelle vague, il se livre à  une dénonciation des risques de l’eugénisme et, de façon plus générale, de la fascisation qui guette les sociétés contemporaines. Le tout avec un esthétisme soigné, que certains lui ont souvent reproché. Esthétisme que l’on retrouve dans Simone (2002), où malgré quelques longueurs exaspérantes, il attaque la perception du monde biaisée que le systèmes médiatique et hollywoodien inculquent aux gens et interroge les rapports entre réel et virtuel. Au-delà  de ses moments fades, le film laisse un goût délicieusement acide. On retrouve dans Lord of war, mais de façon plus diluée, ce goût kubrickien du « bien léché », y compris dans le formidable choix musical, pour lequel il a fait appel à  Antonio Pinto, qu’on avait déjà  vu à  l’Å“uvre dans Central do Brazil.

Prenant contact avec des milieux pro-israéliens, il se procure deux mitraillettes UZI, qu’il vend à  des gangsters. Mais très vite, il a d’autres ambitions : les vraies guerres rapportent plus. Il entraîne dans l’aventure son frère cadet, l’instable et écorché Vitaly ( Jared Leto ). En 1983, ils se rendent au salon de l’armement à  Berlin. Youri veut s’allier à  Simeon Weisz ( Ian Holm ), qui travaille depuis des années pour la CIA et a approvisionné entre autres le FNLA et l’UNITA en Angola. Mais celui-ci refuse : il est encore de l’ancienne garde, de ceux qui, dans un contexte de Guerre froide, avaient « un camp », l’Ouest en l’occurrence. Orlov n’en a aucun, mais il a un code de conduite. Sa première affaire de taille a lieu au Liban en 1984, après le retrait américain. Il vend des munitions laissées sur place par ceux-ci à  des phalangistes en compagnie de Vitaly. Mais celui-ci est horrifié par le massacre de trois jeunes palestiniens, tous mineurs. Il veut intervenir, mais son aîné l’en empêche. Ce n’est pas notre combat, lui dit-il. Et le spectateur de découvrir que son code de conduite lui permet de se soustraire à  tout choix moral et politique. Alors qu’il fait affaire en Colombie, nous voyons entrer en jeu son adversaire, l’inspecteur d’Interpol Jack Valentine ( Ethan Hawke, qui avait déjà  collaboré avec Niccol dans Gattaca ). Il n’est pas à  vendre, dit de lui Orlov, pas pour de l’argent. Pour lui, seule compte la gloire. Légaliste, mais mauvais psychologue, ne comprenant pas – ou plutôt ne voulant pas comprendre – le rôle du trafic d’armes dans les allées du pouvoir international, il se lance dans une chasse lente, et finalement vaine. Mais il constitue le contrepoint à  l’amoralité d’Orlov. Celui-ci voit l’argent pleuvoir sur son compte off-shore. Comme pour Tony Montana, l’ascension sociale signifie aussi la possibilité de séduire et d’épouser une femme : le mannequin Ava Fontaine ( joué par Bridget Moynahan. Le rôle était au départ dévolu à  Monica Bellucci, mais elle s’est désistée pour raisons de santé ). C’est un des points faibles du film, car la relation me semble insuffisamment creusée, tellement peu par rapport à  celle entre les deux frères. C’est sans doute dû à  la volonté de Niccol de faire un film à  multiples dimensions, certaines étant privilégiées par rapport à  d’autres.

Le 25 décembre 1991, pour Orlov, c’est la date du miracle, celle de la dissolution de l’Union soviétique. Des entrepôts entiers de Kalachnikovs s’ouvrent, que les soldats de l’Armée rouge, plus payés, laissent à  l’abandon ou négocient. Parmi eux, l’oncle, le général ukrainien Dmitri Orlov. C’est un véritable pillage qui se déroule. Ce n’était sans doute pas à  cela que Lénine pensait quand il parlait de redistribution des richesses. Mais je n’étais pas le seul à  donner des leçons de capitalisme. Il a en effet des rivaux, dont Simeon Weisz, avec qui il refuse toute collaboration, gardant en mémoire leur rencontre à  Berlin en 1983. Weisz fait alors plastiquer sa voiture, mais c’est son oncle qui périt dans l’attentat. L’élimination de la concurrence, c’est cela aussi le capitalisme, et Orlov vient de l’apprendre en perdant un être cher. Il étend alors ses affaires vers l’Afrique de l’Ouest, le Libéria principalement, où il traite avec le président André Baptiste alias Warlord, en qui il est difficile de ne pas voir Charles Taylor, un ami de la France. Warlord ou Lord of war le paie en diamants et lui demande qui entre eux deux est le vrai seigneur de guerre. C’est alors qu’Orlov retrouve M. Weisz, capturé par Baptiste alors qu’il allait ravitailler les ennemis de celui-ci. Orlov se retrouve devant un énorme dilemme moral : venger ou non son oncle. Comme toujours, il ne veut pas choisir. Mais Baptiste le force à  appuyer sur la gâchette en mettant sa main sur la sienne. La nuit suivante, il sniffe le brown-brown, mélange de cocaïne et poudre de balles. Il plonge dans un univers onirique où réapparaît tout ce qu’il refuse d’assumer : les conséquences morales de ses actes ( une petite africaine dont le bras a été haché par une Kalachnikov lui demande s’il va repousser ) et le sens de nos choix et de notre vie.

Parallèlement, l’étau d’Interpol se resserre sur lui, jusqu’à  atteindre son foyer familial. Son épouse, dont les parents sont morts abattus par des cambrioleurs qui avaient aux aussi achetés leurs armes à  des trafiquants, le supplie d’abandonner ses affaires. Il se lance alors, six mois durant, dans le pétrole ( Je vais piller légalement le Tiers-monde.) Mais il est rattrapé par son passé lorsque Baptiste, profitant d’une pause dans les pourparlers avec ses adversaires sous l’égide des Nations Unies, vient le retrouver devant son domicile. Il veut réapprovisionner pour le moment où la guerre reprendra. L’engrenage reprend. Son épouse se rend compte de sa « rechute » et le quitte, emmenant leur fils. Il parvient à  entraîner son frère, alors que celui-ci vient de terminer une cure de désintoxication et qu’il entrevoit la possibilité d’avoir une relation amoureuse et une vie plus stables. Ils se retrouvent d’abord au Libéria, puis sont emmenés en Sierra Leone, où Baptiste veut qu’ils livrent des grenades à  un groupe militaire allié, le RUF, solidement implanté à  l’est du pays. Mais Vitaly craque, lorsqu’il voit que les combattants retiennent en otage plusieurs dizaines de civils parqués dans un camp. Il a compris que ces grenades serviront à  les massacrer. Il fait alors exploser un des deux camions de grenades, mais il est abattu. La livraison reprend : seul un des deux camions sera vendus et Youri rentre aux USA avec 50 % des gains et le corps de son frère rafistolé par un médecin local qu’il a sous-payé 20 dollars. Lorsqu’il retrouve ses parents au téléphone, son père le déshérite et sa mère lui dit : mes deux fils sont morts. Il est arrêté et c’est l’affrontement avec son adversaire de toujours, Valentine. Lorsque celui-ci lui affirme qu’il a les preuves pour le faire condamner à  perpétuité plusieurs fois, il lui répond que d’ici quelques minutes, il entendra quelqu’un frapper à  la porte. Ce sera un de ses supérieurs, qui le félicitera, lui dira qu’il a de l’avancement et lui ordonnera de le libérer. On me libèrera pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles on m’a emprisonné. Parce que je traite avec des sadiques odieux qui se prennent pour des meneurs. Mais certains d’entre eux sont parfois les ennemis de nos ennemis. Le plus grand trafiquant d’armes est votre patron : le président des Etats-Unis. Et parfois, ils ont besoin d’un free-lance pour approvisionner des armées. Alors ne dites pas que je suis le mal absolu. Je suis un mal nécessaire. Et de fait, quelqu’un frappe à  la porte …

Orlov est alors libéré et reprend ses affaires, ce que je sais faire de mieux. La fin est un retour à  la case départ. Comme le personnage de Sam Rothstein dans Casino, de Martin Scorsese, il se retrouve avec les mêmes problèmes qu’au début : son absence de tout choix moral, son refus de s’interroger sur lui-même et le but de son existence. N’entamez jamais une guerre, surtout contre soi-même, dit-il alors qu’on le retrouve dans la même posture qu’au début du film, au milieu du parterre de cartouches. Rien de mieux pour illustrer ce retour à  la case départ. Et pour nous interroger nous.