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"Histoire belge": L’État, le pouvoir et la démocratie

"Histoire belge": L’État, le pouvoir et la démocratie

On ne s’intéresse pas à  l’histoire d’un pays pour en tirer une pompeuse mythologie, mais pour alimenter une réflexion sur l’être humain et ses façons de s’organiser en société. Tel est le mérite du livre de Marc Reynebeau Histoire belge. Un de ses principaux axes est les rapports de pouvoir dans le cadre de l’État.

Du conservatisme rigide …

L’État qui se met en place durant les années 1830 est fortement – pour ne pas dire monstrueusement – élitiste. C’est une élite bourgeoise, capitaliste et francophone qui détient un pouvoir sans partage et qui décide qui a voix au chapitre ( c’est-à -dire les moins de 1 % de la population qui peuvent payer le cens et donc voter ) dans ce nouvel ordre politique. Une seule langue officielle est reconnue, le français, et il n’existe aucune législation sociale, si ce n’est contre les travailleurs, avec la loi Le Chapelier interdisant les syndicats. C’est un conservatisme rigide, celui de la « Belgique à  papa », qui préside. Un conservatisme qui attise les frustrations de ceux qui n’ont pas voix au chapitre.

C’est pour calmer ces frustrations que va se mettre en place, dans la longue durée, ce que les sociologues politiques anglophones ont appelé le système « consociatif ». Il s’agit d’associer à  la gestion de l’ordre établi un nombre sans cesse plus élevé d’acteurs, afin que cet ordre – et la distribution du pouvoir et des richesses – ne soit pas fondamentalement remis en cause. Ce système connaît ses premiers balbutiements après les troubles révolutionnaires qui secouent l’Europe en 1848. Si la Belgique fut épargnée, les élites étendirent le droit de vote à  certains rangs des classes moyennes. Une étape plus importante fut franchie en 1893 avec l’instauration du suffrage universel tempéré par le vote plural, suite aux meurtriers troubles sociaux de 1886 qui firent 24 morts dans les villes ouvrières. Chaque homme dispose d’une voix, mais en fonction de privilèges de fortune ou du niveau d’études, certains en ont deux ou trois. Parallèlement, grâce au combat difficile du mouvement flamand des lois étaient votées pour tempérer un tant soit peu la domination écrasante du français. Ce combat était surtout porté par des classes moyennes flamandes frustrées dans leur désir d’affirmation.

… au système consociatif.

Mais c’est au lendemain du Premier conflit mondial et face à  la crainte que la révolution russe et spartakiste en Allemagne ont suscitée que le système consociatif se structure vraiment. De véritables conservateurs comme le Roi Albert Ier et Emile Francqui, l’un des barons de la Société Générale, la plus puissante banque du pays, comprennent que le conservatisme raide d’avant 1914 n’a plus cours. Le Parti Ouvrier Belge d’Emile Vandervelde est associé au gouvernement. Le suffrage universel intégral ainsi que les premières commissions paritaires sont instaurés. Viennent ensuite la journée de huit heures, la semaine de 48 heures, les lois sur la pension de vieillesse, les allocations familiales, la promotion de la construction d’habitations sociales, …
Mais ce système va très vite montrer ses limites. D’abord le pouvoir capitaliste reste intact. En 1926, la politique plus marquée à  gauche du cabinet Poullet-Vandervelde provoqua une vague de spéculation, qui entraîna sa démission. Là  étaient les limites de la démocratisation. De plus, l’establishment est encore majoritairement francophone. La lenteur avec laquelle les lois attribuant au néerlandais des droits égaux à  ceux de la langue de Voltaire entrent en application alimente une exaspération qui porte à  partir de 1935 une part importante de l’électorat catholique et rural flamand à  voter pour un parti nationaliste flamand aux tendances d’extrême-droite, le Vlaams Nationaal Verbond (VNV), qui trahit les combats démocratiques du mouvement flamand. Dans la partie francophone du pays, le malaise face aux limites du système consociatif s’exprime par le vote pour Rex, un mouvement nationaliste belgicain issu du monde catholique. Mais d’autres, face aux injustices générées par un capitalisme en crise, souhaitent un changement social authentique et votent pour le Parti Communiste de Belgique (PCB). Cependant, si l‘on additionne les scores de 1936 du VNV et de Rex, on doit bien constater que de façon globale, l’opinion belge glisse vers la droite. Et cela ne va pas sans déplaire à  Léopold III, qui éprouve des ambitions autoritaires. Et aux classes dominantes, qui n’auront d’ailleurs aucun problème, durant l’occupation, à  constituer un modus vivendi avec l’administration allemande, dont elles tireront de substantiels profits …

Restauration et apogée du système.

L’immédiat après-guerre est une période de restauration conservatrice, nuancée par la mise en place d’un régime social plus progressiste et du vote des femmes. Cette restauration constitue la pierre finale du système consociatif belge. Elle garantit une certaine stabilité au pays, mais elle se fait aussi au prix d’un black-out sur son passé immédiat. En témoigne le silence que décida d’observer l’élite politique quant aux réels tenants et aboutissants de la question royale, qui avait déchiré le pays en 1950 et dont les causes remontaient à  avant la guerre. C’est à  cause de ce silence que les assassins de Julien Lahaut, président du PCB abattu une semaine après la proclamation de Baudouin prince royal, ne furent jamais retrouvés. Il s’agissait de farouches partisans d’une dictature royale autour de Léopold III. Les grands acteurs politiques se partagent l’appareil d’État comme un gâteau. Les élites sociales les intègrent dans leur culture de jet set. Ce qui contribue aussi à  la restauration du système consociatif, c’est le développement de la société de consommation. Supermarchés et superettes prolifèrent, avec un libre-service qui donne l’illusion au consommateur d’être pris au sérieux. Une nouvelle amie, la télévision, fait irruption dans les foyers. Tout est réuni pour un grand moment de stabilité sociale, que l’on nommera les Golden Sixties. Par la conquête des droits démocratiques et sociaux, le système belge s’est démocratisé. Mais il reste aussi profondément oligarchique, car les gens sont « passivisés » face au processus politique, traités en consommateurs. Une contestation de cet ordre des choses va émerger, confuse car mélangeant dans le contexte belge problèmes communautaires et revendications sociétales soixante-huitardes. Reynebeau se demande d’ailleurs si le communautaire n’a pas servi de « paratonnerre » pour les gens au pouvoir. Aussi longtemps que les revendications ne portaient que là -dessus, elles ne remettaient pas en cause l’ordre social. Et ce d’autant plus que la classe dirigeante est en pleine mutation, une bourgeoisie flamande acquérant une influence de plus en plus grande sur l’Etat.

Une fois encore, le système va montrer ses limites. D’abord, en certains endroit de l’État, des étendues d’eaux troubles subsistent, échappant au contrôle démocratique : par exemple la gendarmerie et la Sûreté de l’État. Cela aura des conséquences dont on saisira la gravité dans les années 80, avec entre autres la question de l’implication de gendarmes d’extrême-droite dans les tueries du Brabant … Ces affaires graves vont poser la question du fonctionnement même de la démocratie. Ensuite, le pouvoir capitaliste est resté, une fois encore, intact. A partir de la seconde partie des années 70, il se lance dans une contre-offensive. Aidés de leurs relais politiques et de leurs Masters of Arts in Economics, ils trouvent le concept : relancer la compétitivité de nos entreprises sur les marchés mondiaux. Pour ce, disent-ils, il faut une plus grande flexibilité sur le marché du travail. Traduisez : une moindre protection des travailleurs. Ainsi les milieux d’affaires, redoublant d’agressivité, exigent la diminution des coûts du secteur public, en premier lieu de la sécurité sociale. Les syndicats sont pris dans des dilemmes difficiles. S’ils ne sont guère enclins à  défendre les chômeurs, ils restent néanmoins sceptiques face aux nouvelles recettes patronales et politiques et fidèles aux méthodes keynésiennes. Mais celles-ci ne sont guère en phase avec les nouveaux choix, qui impliquent de laisser s’accentuer la dualité sociale entre ceux qui sont laissés sur le bord de la route et ceux à  qui profitent les mutations. Un des mérites de l’ouvrage est de nous rappeler que le chômage dans nos sociétés est un choix délibéré, pris par les classes dirigeantes et appuyé par d’importantes parts de la classe moyenne.Un troisième point qui illustre les limites du système consociatif est lié au contexte international : la soumission des élites belges à  l’imperium américain. L’affaire des missiles Pershing l’illustre. Alors que le pays se déchire sur la question de leur installation, dès 1982, en toute discrétion en avec la complicité du ministre des Affaires étrangères Léo Tindemans, 12 hectares sont expropriés à  Florenne, dans le Namurois, pour y installer la base pour les missiles. L’après-midi du 15 mars 1985, le gouvernement obtenait la confiance du parlement pour sa décision d’implanter les 16 premiers missiles. A ce moment, le C-141 de la USAF avec à  son bord les têtes nucléaires volait vers Florenne. Tout se passa comme prévu. Débats politiques et éthiques ainsi que manifestations n’avaient pas modifié d’une fraction de seconde l’agenda américain.

Problèmes nationaux, enjeux globaux.

Les frustrations s’exprimèrent une fois encore. Par la montée de l’extrême-droite, principalement Vlaams Blok et Front National, avec la suite ininterrompue de « dimanches noirs » depuis 1991. Par une volonté souvent confuse de renouveau démocratique, comme celle exprimée par le mouvement blanc et par le succès des écologistes. On parle alors de « nouvelle culture politique ». Reynebeau pointe celle-ci comme une entreprise de restauration du pouvoir. Les évolutions récentes tendent en effet à  une concentration du pouvoir au sommet des partis et la nouvelle loi électorale, en prohibant les petites formations, va rendre encore plus obligatoire le passage par les partis classiques des idées nouvelles, celles de l’altermondialisme par exemple. Le risque est grand que ces partis ne soient plus que des machines gérées par des technocrates anonymes, des entreprises fonctionnant à  quelques différences près, sur un modèle capitaliste, lequel est moins remis en cause que jamais. La contre-offensive patronale peut continuer, comme le montre le récent Pacte entre générations. Mais cela ne s’inscrit-il pas dans une tendance plus générale aux pays européens ? Cela rend les luttes sociales dans le cadre national indispensables certes, mais elles ne suffisent plus. Le problème est européen, et global.

Tout comme la question de la survie de la Belgique, face au processus de son évaporation progressive. C’est plus globalement la question de l’avenir de l’État-nation qui se pose. Face à  des enjeux globaux, comme la démocratisation de l’Union européenne et de l’ONU, l’organisation d’une justice sociale planétaire, les problèmes environnementaux, le poids d’un État-nation classique à  l’européenne peut sembler tout relatif. Et comme les structures politiques ne sont pas figées, on peut supposer qu’elles connaîtront des mutations profondes. Reste à  savoir alors si l’on pourra encore parler d’un État-nation classique. A ce titre, la Belgique dans ses particularités peut offrir, avec ses balbutiements, ses maladresses, ses travers, l’exemple d’une tentative en miniature d’organisation politique post-nationale. Rien n’indique qu’elle réussira, mais elle existe pour l’instant. « Le défi du XXIème siècle ne consiste pas à  faire survivre la Belgique comme un État classique – peine perdue – mais à  s’assurer que les structures desquelles elle fera partie peuvent être gérées démocratiquement », conclut l’auteur, comme jadis des luttes ont été nécessaires pour démocratiser cet État si élitiste.