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Qualités et limites d’un film : « Congo River »

Qualités et limites d’un film : « Congo River »

Thierry Michel nous livre un documentaire d’une qualité cinématographique incontestable, axé sur la remontée du fleuve Congo jusqu’à  sa source. Via le fleuve, il ambitionne de redécouvrir une histoire : celle d’un pays et de ses traumatismes, de ses espoirs aussi. Le ton est celui d’un réalisme poétique qui contribue à  la valeur artistique du film, mais aussi à  ses ambiguïtés. Tout comme l’angle d’approche conradien.

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Pierre Bourdieu, dans ses nombreux travaux axés sur la domination, a souligné plus d’une fois que la position dans un rapport de domination de celui qui tient un discours conditionne ce qu’il dit, souvent inconsciemment. Quelqu’un qui est issu de la société et de la culture dominantes sera donc inévitablement conditionné, par son habitus ( l’ensemble des dispositions acquises par son éducation, son histoire personnelle, l’histoire de la société à  laquelle il appartient, le milieu social dont il fait partie … ) dans le regard qu’il porte sur la société et la culture dominées. Et ce, soulignons-le une fois encore, souvent de façon inconsciente. Par exemple, il va les juger selon les critères et les normes qui sont celles de sa société.

Ces ambiguïtés ne vont pas sans faire penser à  celles du jeune Eric Blair, qui deviendra plus tard George Orwell, lorsqu’il écrivait sur la Birmanie où il avait été policier. Sa révolte contre l’impérialisme britannique était authentique et viscérale. Son intérêt et son empathie pour les dominés l’étaient également. Mais il ne parvient à  se défaire d’une vision de l’Asie héritée de Rudyard Kipling. Ce schéma est aussi présent chez Michel. Il s’oppose au colonialisme, qualifié de « l’époque de l’exploitation de l’homme noir par l’homme blanc », tout comme au néocolonialisme. Dans « Mobutu roi du Zaïre », il soulignait la responsabilité belge et américaine, puis française, dans l’arrivée et le maintien au pouvoir du dictateur. On se souvient en outre des scènes tragicomiques où Jacques Chirac venait lui rendre visite dans son appartement avenue Foch à  Paris, où de celle des galas donné au cap Martin sur la Côte d’Azur, auxquelles participaient Jean-Christophe Mitterrand ( fils et exécuteur de la politique africaine du président ), le général Lacaze ( chef d’Etat-major sous ce président ), Raymond Barre, Herman De Croo ou encore Pierre Devos ( directeur de la RTBF ). Sans oublier les liens personnels entre familles Mobutu et Bush. Il filme la population comme jadis il filmait le monde ouvrier wallon, avec sa dureté, ses difficultés, sa dignité. Il déploie un véritable effort d’écoute. Mais il ne parvient pas à  se défaire d’une image de l’Afrique héritée de l’époque coloniale et de Joseph Conrad. Le sous-titre de son film, « Au-delà  des ténèbres », illustre bien sa dépendance à  un discours conradien. Dépendance déjà  visible chez Francis Ford Coppola dans « Apocalypse Now » ( sauf qu’il avait déplacé ce discours vers le Vietnam ), et qui n’était pas pour peu dans la profonde ambiguïté politique de ce film primé à  Cannes en 1979.

Cette image est celle du continent « cÅ“ur des ténèbres », vierge avant l’arrivée des Blancs. Un continent sans histoire avant la cruelle et violente rencontre avec l’Occident, l’Europe … et Léopold II. Certes, la grande différence entre Kipling et Conrad est l’ironie désabusée et lucide du second, que partage Thierry Michel. Les extraits de films de propagande coloniale sont présentés de façon à  faire sourire, soulignant le contraste entre l’autosuffisance du délire belge et la réalité du Congo, marquée par les dégâts directs et indirects ( encore plus dévastateurs ) du colonialisme. On peut notamment penser à  cet extrait de film où le propagandiste cite les propos du premier gouverneur du Katanga, Robert Wangermée, sur sa vision de la riche province. Ces propos illustrent la démesure du fantasme belge ( et par extension occidental ) qui cache mal l’affairisme et la cupidité. Soulignons que l’un des avatars postcoloniaux de ce fantasme sera la sécession katangaise, cet État policier d’extrême-droite qui de 1960 à  1963 disposera de l’appui même pas dissimulé des Belges. Mais de l’ironie à  la réfutation fondées sur des arguments historiques, il y a une distance. Cette région du monde avait une histoire, riche et passionnante, avant 1884. Il y avait des organisations sociales extrêmement complexes, ainsi qu’un immense savoir-faire dans la maîtrise et la navigation du fleuve. Or tout cela est laissé en friche par le film. Ce qui pose problème aussi, c’est que Michel cherche à  donner un portrait de l’Afrique « intemporelle ». Cela rappelle de façon un peu déplaisante les discours sur « l’éternelle Afrique », qui n’existe pas plus qu’une « éternelle Europe ». Ce continent a une histoire, avec des mouvements, des évolutions et des ruptures, comme l’Europe, l’Asie et les autres régions du monde. De plus, l’insertion d’extraits de films coloniaux peut provoquer le malaise. En opposant l’époque belge et la situation actuelle, où les infrastructures sont indéniablement en déliquescence, il risque de rééditer ce schéma clivé entre des Blancs rationnels – certes vaniteux, cupides et brutaux – et des Noirs superstitieux, contradictoires. Et d’alimenter chez nombre d’anciens coloniaux une certaine bonne conscience, qui consiste à  dire qu’ « on leur a tout donné et qu’ils n’en ont rien fait ». De surcroît, ce schéma clivé est un des piliers de ce paternalisme colonial dont les effets indirects sont restés dévastateurs bien après la décolonisation. Et ce schéma nous condamne à  l’impossibilité d’un authentique dialogue, d’un véritable échange. Il est étonnant qu’un cinéaste de l’intelligence et de la réflexivité de Michel n’ait pas pesé au préalable toutes les implications de sa dramaturgie.

Il est vrai que le style poétique – aussi mâtiné de réalisme soit-il – n’aide pas à  la dissection historique et sociologique. Prenons l’évocation de l’assassinat de Patrice Lumumba. On peut entendre qu’il fut arrêté au bord du fleuve, alors qu’il fuyait, par la soldatesque de Mobutu et avec l’appui des puissances étrangères. C’est juste. Mais on peut reprocher qu’aucun éclairage supplémentaire n’est apporté sur cet épisode, qui consacre le passage du colonialisme au néocolonialisme, et sur le nÅ“ud d’intérêts ( Union Minière du Haut-Katanga, colons, gouvernement belge, palais royal, Washington, … ) qui a permis son assassinat et la décapitation de son mouvement. Autre exemple : la guerre qui a éclaté le 2 août 1998. On y trouve une condamnation de la guerre en général et des pillages et une sympathie pudique pour les victimes civiles de celle-ci. Comme le film est une Å“uvre d’art, c’est légitime. Mais, en tant que documentaire, il doit préciser que cette guerre est aussi particulière, dans un contexte historique particulier, avec des causes particulières : l’agression du pays par les Rwandais et les Ougandais, avalisée par les USA. Après tout, Laurent Désiré Kabila était un dirigeant nationaliste mal vu des Occidentaux. Il est capital que les gens comprennent tout cela. C’est sans doute lié à  la relation difficile entre portée artistique et portée politique d’un film.

Revenant à  Bourdieu, nous constatons que des résidus de mentalité coloniale demeurent dans le film, comme en chacun d’entre nous. Il est important d’en être conscient pour combattre ces reliquats. Le film a cependant le mérite de fixer comme exigence programmatique d’aller « au-delà  des ténèbres », au-delà  de cette vision conradienne. Il s’achève non pas sur « L’horreur, l’horreur », mais sur un espoir de relèvement du pays. Cette exigence ne figurait pas dans « Apocalypse Now ». Mais on ne peut répondre de façon univoque à  la question de savoir s’il la remplit bien. Soulignons aussi qu’à  la différence du film de Coppola, qui parle des Occidentaux aux Occidentaux et où les Vietnamiens ne sont que des faire-valoir, « Congo River » laisse parler les Congolais et déploie un véritable effort d’écoute. Le film se situe donc une étape plus loin dans le processus qui peut mener à  une libération de cette mentalité coloniale. C’est à  son honneur et à  celui de son auteur. Il montre que du chemin a été parcouru dans ce processus – c’est sa qualité – mais aussi qu’il reste des étapes à  parcourir – c’est sa limite – vers une relation de respect mutuel. Parmi les étapes à  venir, une attitude de modestie et de compréhension politique vis-à -vis des pays du sud. Espérons que ce processus continue, car il est indispensable pour changer nos relations avec ces pays, afin de les baser sur la solidarité et la coopération, sans paternalisme. Espérons que ce processus ira à  l’encontre des tentatives visant à  faire à  nouveau de l’Europe une puissance impériale. Et espérons que Thierry Michel fera d’autres films qui intégreront ces évolutions.

pffff.... si c'est pour se

pffff....

si c'est pour se la jouer avec bourdieu
je ne vois pas la différence entre l'habitus "belge" sur le congo, et l'habitus "anonyme" sur n'importe quelle production culturelle...

la position du commentateur/critique est "finie", une bonne fois pour toute.