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8 mai 2006 : Journée Mondiale du Commerce Equitable

8 mai 2006 : Journée Mondiale du Commerce Equitable

L’équitable est trentenaire. Après des débuts discrets, il sort des sphères associatives et se dévoile au grand public. Mais à  quel prix? Bilan de l’évolution d’un commerce atypique.

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Alors que la planète célèbre en ce 8 mai la Journée Mondiale du Commerce Equitable, il nous a paru bon de nous pencher sur les tenants et les aboutissants de ce mouvement en faveur du développement durable qui prend de plus en plus d’ampleur et se voit soutenu par un nombre croissant de citoyens. L’occasion aussi de s’intéresser à  l’implication des multinationales qui se mettent à  l’équitable et d’en analyser les dérives.

Les 35 ans d’Oxfam-wereldwinkels : une consécration de la pratique de commerce équitable

Avril 2006, Oxfam souffle ses 35 bougies. Cette année de plus au compteur de l’ONG renvoie les pionniers de ce projet idéaliste à  l'ouverture du premier wereldwinkel à  Anvers en 1971. Mais elle se pose aussi et surtout comme l'occasion idéale de dresser un bilan des activités de commerce équitable de l'organisation à  l'heure où les multinationales s'emparent du concept. Cette conquête du marché alternatif par les grands maîtres du marché « classique », amorcée en 2002 alors qu'Oxfam décidait d'autoriser la distribution de ses produits alimentaires dans les grandes surfaces, inquiète – à  juste titre - ceux qui redoutent le détournement des règles et principes de commerce équitable telles qu'elles ont été pensées et édictées par ses précurseurs. Nous nous pencherons ci-après sur les risques et les opportunités liées à  ce phénomène d’appropriation ambigu.
Cet anniversaire se voit en outre marqué par les discussions concernant l’adoption d’un cadre légal en Belgique pour le « fairtrade ». Il s’agit là  d’une avancée majeure quand on sait qu’à  ce jour, seuls des labels privés définissent les critères des produits jugés « équitables». Cette législation, très attendue dans le milieu équitable, s’est imposée au gouvernement fédéral qui a dû s’incliner devant le foisonnement d’organisations et d’entreprises qui ont fait du commerce équitable leur cheval de bataille (Oxfam, Citizen dream», la banque Triodos, Crédal, etc.).

Le mouvement équitable est donc bien en marche et prend chaque jour du galon ; depuis son lancement, Oxfam-wereldwinkels a inauguré par moins de 206 « winkels » en Flandres. Le « fairtrade » serait-il en vogue? Sans aucun doute. Toutefois, la croissance des recettes issues de ce commerce alternatif reste relative: aujourd'hui le commerce équitable représente 0,0009% du commerce mondial. Un goutte d’eau dans l’océan, certes, mais qui, comme nous l'expliquait Denis Lambert, secrétaire général d'Oxfam-Magasins du Monde en octobre dernier à  l'occasion de la semaine du commerce équitable, a une qualité redoutable: celui de montrer du doigt un commerce mondial dominant aux pratiques souvent irrespectueuses de l'environnement et de l'humain et qui maintien dans la pauvreté et l’impuissance les petits producteurs indépendants.

Trade not aid!

C’est très précisément face à  ce contexte d'économie mondiale, dont les rênes sont tirées par un capitalisme qui réinvestit peu dans l'humain et tend à  favoriser la fructification spéculative des gains, que de nombreuses organisations sont nées, mues par une farouche volonté d'offrir une alternative au commerce « classique». Suivant une dynamique de « TRADE NOT AID », elles ont contribué à  donner aux échanges Nord-Sud une nouvelle perspective fondée sur des principes de développement sur le long terme. Pied de nez « durable » au FMI et à  la Banque Mondiale, outils occidentaux qui, loin d’aider le tiers monde à  s’en sortir, l’endettent à  n’en plus finir. Selon le CNCD-11.11.11, plus de 40% du budget de l’Afrique subsaharienne est consacré au remboursement de la dette et 300 milliards annuels sont versés par le Sud au Nord. Soulignons en outre que cette dette a déjà  été remboursée 7 fois depuis les années 1980 et qu’elle a été contractée sans consultation préalable du peuple par des dictateurs que la colonisation occidentale a contribué à  maintenir au pouvoir. Le commerce équitable, en se basant sur l’article 23 de la déclaration universelle des droits de l’Homme selon laquelle « quiconque travaille a droit à  une rémunération équitable lui assurant, ainsi qu'à  sa famille, une existence conforme à  la dignité humaine», offre une voie alternative aux petits producteurs du Sud en leur offrant l’accès à  leurs marchés respectifs (banane, café, cacao, thé, riz, miel, vin mais aussi artisanat), largement dominés par les multinationales occidentales.

Par ce système, les organisations impliquées dans le mouvement concourent à  faire vivre des coopératives de producteurs dans de nombreux pays du Sud, auxquels elles garantissent un prix minimum. Ce prix recouvre non seulement les coûts économiques de productions, mais également les coûts sociaux et environnementaux qui découlent de la production du bien. C'est par exemple l'engagement d'Oxfam mais c’est aussi celui de Max Havelaar, société de labellisation des produits équitables, qui avalise de son logo les produits qui répondent aux critères fixés pour juger de « l’équitabilité » d’un bien.

Pour la société néerlandaise, les chiffres sont probants: dans son rapport 2005, Max Havelaar a ainsi enregistré une hausse de 21% des recettes pour les produits arborant son label.

Multinationales et équitable : un win-win indiscutable mais discuté

Le concours des grandes surfaces n'est pas étranger à  cette évolution. En effet, aujourd’hui, des enseignes telles que Delhaize, Colruyt ou encore Carrefour proposent à  leur clientèle des biens issus du commerce équitable, ce qui offre à  ces produits et plus largement au mouvement une visibilité toute particulière à  un public pas forcément présensibilisé. Chez Oxfam-WW, la décision de s'associer à  des multinationales fut l'objet d'une discussion de vingt ans, qui aboutit en 2002 à  la conclusion suivante, dont nous a fait part Anke Hintjens, porte-parole d’Oxfam-WW: «Nous avons aujourd'hui plus de 200 wereldwinkels, ce qui est bien mais il a fallu se rendre à  l’évidence : ce qui importe avant tout, c'est d'avoir le plus d'espace de distribution possible pour toucher un public toujours plus large ». Cette politique, qui avait fait grimacer de nombreux membres de l’ONG, porte néanmoins ses fruits ; l’étude de Max Havelaar révèle ainsi que 9 bananes équitables sur 10 sont vendues par la grande distribution et que sur les 21 millions d’euros du chiffre d’affaires estimé des produits certifiés par le label en 2005 (+21% par rapport à  2004), près de 70% est réalisé dans les grandes surfaces.

La collaboration des supermarchés n'est donc pas à  négliger même si les motivations des grandes sociétés à  vendre de l’équitable relève avant tout du profit pur et simple. Comme nous l’explique Anke Hintjens, ce sont les magasins qui ont fait appel aux produits Oxfam et non pas l'inverse. Cela signifie que les multinationales avaient vu dans l'émergence du phénomène « fairtrade » un créneau lucratif. Parce que l’équitable est à  la mode et que la logique de développement durable fait dans les esprits son petit bonhomme de chemin. C’est par ailleurs le point positif qu’il convient de retenir de ce phénomène d’appropriation du concept : un changement primordial semble s’être opéré dans les mentalités et la nécessité d’entrer dans un cycle de transactions plus justes avec les pays du Sud pénètre les consciences d’un public nouveau.

Une étude de la SONECOM (Sondage Etudes Communication) appuie cette hypothèse en délivrant les chiffres suivants: 66% des gens savent aujourd'hui ce qu'est le commerce équitable, même si tous ne consomment pas encore des produits qui en sont issus. Ce phénomène s’explique de la façon suivante : consommer des produits équitables est une façon simple et par conséquent commode de contribuer au développement des pays émergents, sans avoir à  s'engager outre mesure. Il s’agit d’une option « économique » qui, si elle a tendance à  ajouter à  la note de quelques centimes d’euros, permet en tout cas de faire l'économie de soi.

Labels équitables : info ou intox ?
Alors que les grandes surfaces se mettent à  faire de l’équitable et multiplient les labels plus « graphiques » les uns que les autres sur leurs emballages, il paraît urgent de se préoccuper du fait que le consommateur qui découvre les bienfaits du commerce équitable pourrait se sentir égaré devant le déploiement de ce concept sous une multitude de labels dont l’authenticité est difficilement vérifiable pour l’Å“il non averti. Car si le label Max Havelaar jouit désormais d’une notoriété bien assise et reconnue, quid de labels tels que Rainforest Alliance ou encore Utz Kapeh qui se présentent au public sous des termes similaires à  ceux utilisés par FLO (Fair Trade Labelling Organizations International, regroupe 17 sociétés de labellisation de commerce équitable dont Max Havelaar)? Le respect de la communauté, de la nature, le développement en faveur des pays du sud sont sans cesse invoqués par des marques et des labels de plus en plus nombreux. Dans ce fouillis de termes hermétiques, comment différencier l’éthique de l’équitable, l’équitable du bio ou encore l’équitable de dons ponctuels ou structurels d’une marque à  des projets de développement?

Pour répondre à  ces interrogations, prenons l’exemple de Colruyt. Cette chaîne de supermarché propose à  ses clients des produits issus du commerce équitable, labellisés FLO, tels que du café ou du chocolat Oxfam. Mais depuis huit mois, la grande surface met aussi en rayons des produits Collibri, une marque Colruyt, autour de laquelle la communication s’est avérée hautement ambiguë et fournit un bel exemple de la façon dont la confusion autour des concepts « équitable » et « durable » est entretenue auprès du consommateur.

Koen Demaesschalck, conseiller en affaires publiques pour Colruyt, souligne l'inscription de son entreprise dans une dynamique de développement envers les pays du tiers monde. « La particularité de cette marque est que Colruyt s'engage à  verser 5% des recettes issues de Collibri à  des projets d'éducation dans les pays en voie de développement d'où proviennent ces produits. » nous dit-il. Nous constatons également que la plupart des produits Collibri portent le logo Rainforest Alliance, label qui certifie le respect de l’environnement dans la production. Pour soutenir ce projet, une newsletter est envoyée à  environ un million et demi de consommateurs. Une véritable opération de communication de masse susceptible de sensibiliser un large public. Mais à  quelle cause ? Car le vocabulaire opaque et hautement abstrait utilisé par la marque (respect de la communauté) ainsi qu’un packaging aux couleurs et aux personnages très « sud », suggestif d’un partenariat actif avec le tiers monde, laisse entendre au consommateur non averti que Collibri ménage des pratiques de commerce équitable. Or ce n’est pas le cas. Le partenariat Colruyt avec le Sud s’arrête aux dons versés pour l’éducation et au respect de la nature, d’où l’approbation Rainforest.

Face à  cette expérience équivoque, il paraît nécessaire d’accompagner le consommateur dans son initiation à  la consommation de produits équitables. Le Fair Trade Center à  Bruxelles, outil de la Coopération Technique Belge, et les organismes phares du mouvement tels qu’Oxfam veillent toutefois au grain et avaient ainsi rappelé Colruyt à  l’ordre en confirmant au public que les prix Collibri ne relèvent en aucun cas de l’équitable puisque les prix fixés pour ces produits répondent aux lois de l’offre et de la demande.

De l’équitable ? Non, du durable.
Colruyt ne fait donc pas dans l’équitable mais fait-il dans le durable ? La réponse est oui. Car le terme durable fait référence à  plusieurs pratiques : celle du commerce équitable, mais aussi à  la consommation d’énergie ou encore au respect de l’environnement (labels bio). Les produits Collibri satisfont à  ce dernier critère, ils sont donc « durables ». D’autres entreprises entretiennent cette ambiguïté. Kraft par exemple a manifesté en 2003 son intention de faire dans le durable en mettant sur le marché du « café durable » sous le label Rainforest Alliance.

Un consommateur averti en vaudra désormais deux. Et si les multinationales qui surfent sur la vague équitable ont tendance à  ouvrir la porte aux dérives en tous genres, portées par le goût du profit, nous, consommateurs, ne devons pas perdre de vue les principes fondateurs du concept, portés par la conviction que des échanges plus justes avec le Sud sont possibles.

Quinzaine du commerce équitable 2006 : Examinons nos rapports m

Les techniques marketing ont indéniablement réussi à  assurer la notoriété de l’expression « commerce équitable » dans l’opinion. Mais elles ont transformé en quelques années une problématique politique en produit publicitaire, dont l’efficacité en terme d’améliorations concrètes des conditions de vie des producteurs du sud est discutable.

D’une action de sensibilisation, la quinzaine du commerce équitable est devenue au fil des années une quinzaine pour la promotion du prétendu label Max Havelaar. L’objectif de la Plate Forme du Commerce Equitable (PFCE) est aujourd’hui de faire adhérer l’opinion à  une marque, d’en assurer la notoriété. En aucun cas d’inviter nos concitoyens à  réfléchir sur leurs actes de consommation. Cette confusion entre action de sensibilisation et démarche commerciale contribue à  développer aux yeux de l’opinion une vision manichéenne du monde, ou la promotion du bon produit « équitable »â„¢ prend bien soin de ne pas remettre en cause l’idéologie consumériste [1], alors que ce sont précisément nos modes de développement qui sont en cause aujourd’hui. Cette situation est d’autant plus inquiétante que désormais cette propagande commerciale s’étend en milieu scolaire avec l’aide financière des collectivités locales. Les enfants, premières victimes d’un consumérisme effréné, sont une nouvelle fois la cible de marchands, d’autant plus dangereux qu’ils se parent de vertus. Il est donc urgent de les amener à  réfléchir sur leurs actes de consommation.

Pour le gouvernement actuel, très sensible au poids de la grande distribution, le « commerce équitable » n’est qu’une cause humanitaire qui doit se restreindre à  faciliter les conditions d’accès aux marchés à  des producteurs « défavorisés » du sud. Selon l’accord de l’AFNOR, dont il faut rappeler qu’il fut imposé par le gouvernement sous la pression du ministère de la coopération soutenu par certains acteurs du commerce équitable en mal de reconnaissance institutionnelle et de subventions, en aucune manière, les groupes de producteurs ne peuvent examiner les conditions de commercialisation de leurs produits. Les industriels et les distributeurs qui transforment et/ou commercialisent ces produits « équitables » n’étant soumis à  aucune obligation peuvent donc se permettre toutes formes d’abus.

La question d’un commerce équitable, ne repose pas sur l’intensification coûte que coûte des échanges marchands. Seul l’examen de ces échanges, est de nature à  répondre aux enjeux d’ une mondialisation qui permette aux peuples de vivre et travailler au pays en ayant la possibilité de (re)conquérir de nouvelles libertés et de nouveaux droits. Tel est l’enjeu d’une approche universelle du commerce équitable.

QMD

[1] Campagne Max Havelaar 2006 : « Pour un monde plus juste, faites vos courses »