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Anne Morelli: La fin de la laïcité en Irak était-elle imprévisible?

Anne Morelli: La fin de la laïcité en Irak était-elle imprévisible?

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La fin de la laïcité en Irak était-elle imprévisible?

Des deux côtés de l’Atlantique des bonnes âmes feignent d’une part de s’étonner de la persistance de la Résistance irakienne mais aussi de la confiscation du pouvoir juridique par les chiites, des persécutions contre les minorités religieuses et de l’abrogation des droits des femmes irakiennes.

Ces bouleversements étaient-ils imprévisibles? Ceux qui en 2003 pensaient innocemment (ou proclamaient cyniquement sans y croire) qu’il fallait lancer contre l’Irak (ou plutôt comme on disait alors « contre Saddam Hussein ») une guerre rapide qui abattrait le tyran et rétablirait une parfaite démocratie, auraient bien fait d’écouter les Cassandres qui, dès avant la guerre, leur avaient prédit que cette guerre ne serait en rien « fraîche et joyeuse » mais qu’en outre elle offrirait aux chiites, sur un plateau d’argent, le seul pays laïque de la région.

Je n’ai aucune prédisposition divinatoire mais, au retour d’un séjour en Irak, j’écrivais, dans « Le Soir » du 30 août 20021 que l’Occident encourageait les islamistes irakiens et les arrosait de dollars dans l’espoir de les voir renverser le gouvernement irakien en place.
La sécession chiite du Sud irakien était ouvertement encouragée et l’un des reproches occidentaux faits à Saddam Hussein était qu’il « bridait la hiérarchie religieuse chiite ». Utilisant une vieille tactique déjà éprouvée autrefois, en soutenant les Frères musulmans contre Nasser ou les Talibans contre l’Afghanistan prosoviétique, les Etats-Unis, après avoir envahi l’Irak, se sont appuyés sur leurs « alliés » islamistes. Ceux-ci se sont empressés – comme je l’avais prévu en 2002 – de favoriser la division du pays pour s’assurer la majorité absolue dans le Sud. Ils ont aussi imposé un « caractère islamique » à la société irakienne. Avec l’appui des occupants américains, les derniers carrés de la société laïque irakienne ont aussi été (comme clairement annoncé dans l’article de 2002) enterrés.

Le code de la famille, qui garantissait depuis 40 ans les droits des femmes irakiennes à travailler librement, divorcer, disposer de leurs biens, a été abrogé et remplacé par une législation islamiste, et une police des mœurs est effective dans l’espace public.

Une surprise? En rien, puisque ce bouleversement était déjà annoncé en 2002. Il suffisait pour découvrir ce projet chiite de consulter le site de l’ « Alliance Internationale pour la Justice », titre officiel de l’opposition sponsorisée par les Etats-Unis. Ce site annonçait ne reconnaître que des musulmans en Irak. Si on se souvient que chrétiens et juifs, historiquement présents en Irak depuis des siècles, étaient protégés à l’époque de Saddam Hussein, il ne fallait pas être prophète pour imaginer dès lors leur sort après la « Libération » du pays par les Américains. Victimes de persécutions incessantes les juifs et chrétiens fuient massivement un pays où l’occupant – déjà incapable d’assurer sa propre sécurité – n’a cure de les protéger.

Les attentats coordonnés qui ont visé les catholiques syriens et chaldéens au début de 2008, visent ainsi à épurer l’Irak de tous ses non-musulmans. Pour connaître ce plan, il suffisait dès 2002 de se renseigner sur les opposants soutenus par Washington. Il était déjà clair alors que leur projet politico-religieux n’avait rien à voir avec le pluralisme et la tolérance.

Rien de tout cela n’était donc difficile à prévoir, il ne fallait pas être devin pour annoncer la situation dramatique, également sur le plan du pluralisme religieux et de la laïcité, dans laquelle l’invasion américaine et l’installation au pouvoir de ses alliés, a plongé l’Irak.

Anne Morelli
Professeure à l’ULB

Bericht aan de Bevolking is een initiatief van Het beschrijf, in samenwerking met het B/Russell/s Tribunal. Een aantal auteurs van deze teksten treedt ook aan op de Literaire Wake n.a.v. 5 jaar oorlog in Irak, op woensdag 19 maart van 20 u. tot 24 u. in Literatuurhuis Passa Porta, A. Dansaertstraat 46, 1000 Brussel. Zie www.passaporta.be

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