Aux origines de la crise : dérégulation et bulles financières (3/8)
Aux origines de la crise : dérégulation et bulles financières (3/8)
Grégory31 juli 2009 – 14:26
Nous avons vu les réactions américaines face à la concurrence accrue de l’Europe et du Japon et face aux conséquences inflationnistes de la guerre du Vietnam. Washington a démantelé les structures de Bretton Woods en 1971. Cela a eu notamment pour conséquence de favoriser la spéculation et d’ouvrir la porte à une prolifération des produits financiers. Avec l’encouragement des gouvernements étatsuniens successifs qui depuis la fin des années 70 ont mis sur la touche les mesures de régulation mises en place sous Roosevelt et le New Deal. En outre, on assiste à un développement des bulles financières. Nous allons examiner cela dans cette partie.
Nous avons vu que les entreprises souhaitent connaître à l’avance leurs taux de change ou leurs taux d’intérêt. Des produits le leur permettant vont se développer et prendre la forme d’ « options », de « contrats à terme », de « forwards », de « futures », de « contrats swaps », … Certains se spécialisent dans ce genre de produits. D’immenses marchés de spéculation se déploient, favorisés par les mesures des gouvernements étatsuniens successifs.
La "reaganomie" : dérégulation et taux d’intérêt élevés
Après le krach de 1929 et la faillite de nombreuses banques par la même occasion, le gouvernement de Washington prit une série de mesures pour éviter que la chose ne se reproduise. Le Glass-Steagall Act de 1933 établit une démarcation entre banques ordinaires, où l’on dépose de l’argent sur un compte, et banques d’affaires, qui opèrent en Bourse et gèrent les fortunes. Mais à partir de la fin des années 70, ces mesures allaient être mises sur la touche.
Au début des années 80, Ronald Reagan est président. Il fait des USA le champ d’expérimentation de la dérégulation tous azimuts, du marché du travail à la Bourse. Il attire les capitaux avec des taux d’intérêt très hauts. C’est ce que l’on appelle la « reaganomie » (reaganomics). Les conséquences de cette politique sont connues : augmentation de 800 % du déficit commercial, de 300 % du déficit budgétaire, de plus de 200 % de la dette fédérale et chute du dollar. La facture est payée par les partenaires de l’OCDE et les pays du Sud. Les premiers, en particulier l’Allemagne et le Japon, doivent baisser leurs taux d’intérêt et servir de locomotive à la relance. L’économie étatsunienne doit en effet maintenir des taux d’intérêt élevés pour garantir la persistance de flux financiers vers elle. Cela entraîne la mise en œuvre par les Etats et le FMI de politiques déflationnistes se traduisant par la compression de la demande interne (les salaires) et externe (le pouvoir d’achat des pays du Tiers-monde). Le reaganisme est donc clairement synonyme de régression, sauf pour la Bourse, qui connaît un envol fulgurant, baptisé « révolution de l’argent ». La dérégulation se poursuit lors des années Clinton. Le Glass-Steagall Act est abrogé en novembre 1999 : toute distinction entre les diverses sortes d’institutions financières est abolie. L’Europe suit l’exemple. Dès juillet 1990, la directive sur la liberté de circulation des capitaux entre en vigueur en CEE. En outre, l’Union Européenne et les Etats suivent l’exemple d’outre-Atlantique et mettent en place des politiques de libéralisation économique et de régression sociale.
La financiarisation de l’économie
Au lendemain du second conflit mondial dominait un capitalisme de managers, caractérisé par une logique industrielle. A partir des années 80, on assiste à l’émergence d’un capitalisme financier. Le ton est donné par Jack Welch, patron de General Electric à partir de 1981. L’entreprise emploie 400 000 travailleurs. Welch fait du profit aux actionnaires le critère principal de la gestion de l’entreprise. Il licencie chaque année 10 % des travailleurs « les moins performants » et, outre les activités industrielles, introduit la firme dans le monde financier. Les bénéfices du groupe ont grimpé de 1,5 milliard de dollars en 1980 à 4 milliards en 1990 et à 7,5 milliards en 2000. Pour le plus grand bénéfice des actionnaires.
Le succès fut tel que les normes de gestion de Welch furent reprises dans l’ensemble du monde industriel occidental. Le rendement pour les actionnaires fut fixé à l’avance, généralement à 15 %. Cela incita les firmes à rogner sur leurs dépenses salariales et à prendre des risques financiers. Elles se précipitèrent sur les activités financières et travaillèrent à grande échelle avec de l’argent emprunté. Actuellement, nombreux sont les groupes qui tirent des bénéfices plus importants de leurs opérations financières que de leur production industrielle.
Une nouvelle alliance entre capital financier et capital industriel
Une nouvelle alliance se forme donc entre capital financier et capital industriel, caractérisée par une nette emprise du premier sur le second. De nouvelles structures apparaissent : les fonds vautours avec notamment les private equities et les LBO (leverage buy-out).
Actuellement, quelques fonds privés géants, comme Carlyle, Kohlberg Kravis Roberts & Co (KKR), The Blackstone Group, Colony Capital, Apollo Management, Starwood Capital Group, Texas Pacific Group, Wendel et Eurazeo, contrôlent le monde financier international. Les banques se voient confier un nouveau rôle : l’octroi de prêts à ces fonds. Ceux-ci collectent leur argent ainsi que celui des assurances, des fonds de pension et des richissimes particuliers. De 2002 à 2006, le montant des capitaux levés est passé de 94 milliards d’euros à 358 milliards. Leur puissance de feu financière est de 1100 milliards d’euros. Cet argent leur sert à racheter des entreprises. Un fonds achète par exemple une entreprise qui vaut 100. 30 viennent de sa caisse et 70 sont des emprunts aux banques. Pendant trois ou quatre ans, il la rationalise avec la complicité du management en place, développe les activités, capte tout ou partie des profits pour payer les intérêts de sa dette, puis revend l’entreprise, souvent à un autre fonds, à 200. Après avoir remboursé son emprunt de 70, il lui reste 130, pour une mise de départ de 30. Ce qui fait un retour sur l’investissement plus de 300 % en trois ou quatre ans.
La montée des bulles financières
Le développement des marchés de spéculation entraîne l’apparition de bulles spéculatives. Elles ont un caractère systémique : elles touchent des segments considérables du monde financier globalisé. Elles sont financées par le crédit, octroyé très largement. Elles résultent de la différence entre taux d’intérêt et rendement. A partir du moment où les taux d’intérêt sont bas, de l’ordre de 3 à 4 % dans les années 90, on a un coût de 3 à 4 %. Mais lorsqu’on investit sur les marchés financiers, on a un rendement de 15 %. On a donc un coût de 3-4 % et des résultats de 15 %. La bulle naît donc de la différence entre les deux. Cet état de fait pousse à privilégier l’emprunt et donc l’endettement. Plus on emprunte, plus on s’endette, plus on peut acquérir des produits financiers qui rapportent et plus on peut demander de nouveaux crédits. Ainsi apparaissent et s’enflent les bulles financières. Parmi elles, il y a la bulle Internet, c’est-à-dire les valeurs liées à l’informatique et aux télécommunications. Cette bulle spéculative est apparue au milieu des années 90 et a explosé en mars 2000.
Peu après apparut la bulle immobilière. Après l’éclatement de la bulle Internet, en mars 2000, Alan Greenspan, aux commandes de la Federal Reserve Bank depuis 1987, par une politique de taux bas et l’abaissement des frais financiers, pousse les intermédiaires financiers et immobiliers à inciter une clientèle de plus en plus large à investir dans le logement. Les banques hypothécaires ont émis des prêts pour l’achat de maisons. Elles proposèrent des conditions très favorables et spéciales pour les ménages les plus fragiles. Ceux-ci ont bénéficié de prêts subprime, des crédits hypothécaires à haut risque pour ces ménages fragiles. Il ne s’agissait pas de faire du social, bien entendu. Les banques misaient même sur l’incapacité de rembourser d’une partie des familles pour faire de l’argent. De deux manières : en empochant, pendant plusieurs années, les mensualités du crédit ; et en récupérant le bien dont la valeur avait augmenté.
Ces prêts subprime ont pour caractéristique d’avoir été titrisés. La titrisation consiste à transformer des créances bancaires et immobilières en titres financiers échangeables sur les marchés. Les banques hypothécaires ont donc revendu les prêts subprime titrisés. Ces produits subprime ont été mélangés à d’autres produits financiers et à d’autres créances pour former de nouveaux produits : les produits structurés, c’est-à-dire des produits à haut risque proposés à des investisseurs et qui se composent d’un mélange de produits très risqués et de produits à moindre risque. Ces produits structurés ont été à leur tour mélangés à d’autres produits pour former d’autres produits structurés. Ces produits s’éparpillèrent à travers le monde. Ils furent vendus à d’autres banques, qui elles-mêmes les ont vendus à des fonds d’investissement spéculatifs. Voilà comment un segment très particulier du marché étatsunien a pu entraîner une catastrophe économique mondiale.
Nous verrons dans la partie suivante comment elle a été précédée de crises dans d’autres parties du globe.
Sources pour en savoir plus
I. RAMONET, « Le Krach parfait. Crise du siècle et refondation de l’avenir », coll. L’Espace Critique, Galilée, 2009.
« Le krach du libéralisme », Manière de voir n°102, Le Monde diplomatique.
« La crise du système », Etudes Marxistes n° 84, 2008.
« Globalisation financière et financiarisation des groupes d’entreprises : le laisser-faire politique », par F. MORIN, in Les Groupes d’Entreprises et la Décision politique, CH du CRISP n° 2011.
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