Indymedia.be is niet meer.

De ploeg van Indymedia.be is verhuisd naar DeWereldMorgen.be waar we samen met anderen aan een nieuwswebsite werken. De komende weken en maanden bouwen we Indymedia.be om tot een archief van 10 jaar werk van honderden vrijwilligers.

“Nous étions le plus marqués par l’humilité et l’accueil des gens” – interview avec Dafa Yow

“Nous étions le plus marqués par l’humilité et l’accueil des gens” – interview avec Dafa Yow

L’association Dafa Yow*, lancée par des jeunes étudiants belges sensibilisés à la question du rapport Nord/Sud, a réussi à agir sur le terrain. L’été dernier ils se sont rendus à Dakar pour aider l’association « Daara Malika » qui prend en charge des enfants maltraités qui veulent fuir le monde de la mendicité. Une riche expérience qui ne fait qu’initier les projets d’avenir que Dafa Yow souhaite réaliser. Interview avec les co-présidents Samira Hmouda et Mohamed Boho.

DAFA YOW2.jpg

Interview avec les 2 co-présidents de Dafa Yow
Mohamed Boho (20 ans) et Samira Hmouda(21 ans)

Vous avez crée votre association Dafa Yow il y a plus d’un an. Quel est le but principal de cette démarche?
Mohamed: Nous voulons surtout sensibiliser les jeunes aux rapport Nord/Sud via des projets humanitaires en Afrique. Nous avons commencé en décembre 2008, maintenant nous travaillons le fond et la base. Nous sommes à plusieurs à gérer l’association et avions une douzaine de personnes bénévoles sur place cet été. Les jeunes ont entre 20 et 25 ans. Un de nos objectifs à long terme est de travailler avec des jeunes belges en difficulté et en décrochage scolaire. Par exemple un jeune qui fait de la plomberie, peut partir avec nous et apprendre à connaître le système D, la technique débrouillardise de là-bas. En Afrique dans le domaine de la mécanique ils arrivent à continuellement prolonger la vie des voitures. Cette expérience permet de comparer les techniques et d’enseigner aux jeunes qu’avec peu on arrive parfois à beaucoup plus.

Pourquoi avez-vous choisi de vous diriger vers l’action humanitaire?
Mohamed: Avant nous étions tous à l’association “Repères” qui travaille sur la confiance des jeunes, avec des conférences thématiques. Par cette association nous avons pris conscience que nous voulions également mettre en place quelque chose pour les jeunes. Au retour du Sénégal nous avons estimé intéressant de faire un mix, la confiance des jeunes et l’humanitaire, deux volets d’action et cela s’emboite très bien.
Samira: Je suis partie en 2008 surtout pour faire de l’humanitaire. On m’a proposé le Daara. Nous sommes partis à douze personnes avec une maison de quartier d’Evere qui s’appelle Vision et qui avait ce projet en partenariat avec Axa Atout-Cœur. Ils financent de nombreuses projets.

Et qu’est-ce qui vous a motivé à refaire le voyage au Sénégal?
Mohamed: On a vraiment pris goût au projet. Samira avait déjà été en 2008 et c’est parti de là, d’un constat. Nous n’avons pas la mentalité de vouloir “sauver” une population. A son retour, nous avons monté le projet “Just exploited” et on a contacté le Daara pour connaître leurs besoins. Sur place, nous avons constaté que les besoins avaient changé. Peindre les dortoirs n’était pas prévu, c’était ajouté au planning. Nous ne sommes pas sur place toute l’année, donc on a répondu aux besoins.
Samira: Mohamed et moi-même voulions déjà créer une association pour les jeunes, mais on ne savait pas vraiment quoi. Revenant du Sénégal j’avais envie d’y retourner et de continuer à aider, par la même occasion permettre à d’autres jeunes de vivre la même expérience. Et c’est ainsi qu’est né notre projet.

Pourriez-vous nous expliquer la problématique qui existe sur place?
Mohamed: Avant les enfants étaient envoyés dans des lieux gérés par des marabouts afin de recevoir une éducation religieuse et en contre-partie ils cultivaient la terre. Suite à la sécheresse et l’exode rural, ces groupes partaient en ville avec les enfants et ils faisaient mendier les enfants. Maintenant c’est devenu un vrai business. Il y a plus de 70.000 enfants qui mendient dans les rues de Dakar. Cela rapporte énormément d’argent. Ces enfants sont souvent maltraités par leurs maîtres. Les journées de certains talibés, tel qu’on nomme ces enfants, sont très longues. Cela dépend bien sûr d'un Daara à l'autre. Pour certains le programme est le suivant: ils se lèvent à 5h pour la prière de l’aube; puis ils étudient uniquement par cœur jusqu’à midi, sans aucune compréhension, car aucune pédagogie n’est mise en place pour eux. L'après-midi ils vont mendier jusqu’à six à sept heures du soir. Et après ils étudient encore jusqu’à 22h. Ils ont tous une certaine somme à remettre à la fin de journée. Avant quand ils travaillaient les champs c’était encore du troc. Ce système de talibé, qu’on pourrait parfois qualifier d’esclavage, se multiplie dans d’autres pays en Afrique comme le Mali et le Togo.

Comment les enfants arrivent-ils à quitter cette situation?
Mohamed: C’est difficile. Les répercutions sont plus violentes et plus rapides qu’ici en Europe. Dans certains pays d'Afrique le marabout a plus de pouvoir qu’un ministre.

Comment l’association “Daara de Malika” a-t-elle vu le jour?
Mohamed: Daara Malika a été mise en place par une dizaine de mamans, femmes de diplomates en 1977 pour combattre la mendicité. Elles partaient d'un constat et ont créer une structure qu'on appelle le Daara pour mettre un terme à la mendicité et permettre aux enfants de bénéficier d'une éducation sans contrainte. Les femmes voulaient empêcher ce genre de fléau.

Qui gère “Daara de Malika” actuellement?
Mohamed: Plus de vingt personnes, la plupart des enseignants gèrent le projet de Daara Malika. Il y a quatre 'mamans' qui font à manger. Ils ont plusieurs énormes dortoirs, une cuisine, salle de télévision, énergie pana-solaire. Ils ont un puit, terrain de foot, menuiserie, poulailler. La gestion externe du Daara est faite par l'association AIFA Senegal (Association International Francophone des Ainés). Différentes associations de Belgique, du Sénégal et du Canada, entre autre la Fondation Axa Atout-Cœur, ont financé une partie de la construction des bâtiments.

Donc vous avez débuté votre projet à Bruxelles avec une feuille vierge?
Samira: Oui, tout à fait, on a commencé avec une feuille blanche et nous l’avons coloriée. Nous avons débuté l’organisation en tant que participant actif. On a écrit, barré et recommencé nos idées pour aboutir à un projet concret.

Combien de temps avez-vous consacré à ce projet?
Samira: L’année passée, honnêtement, cela nous a pris énormément de temps, car nous avions commencé fin décembre, début janvier et nous devions partir fin juin, donc il fallait tout enchaîner avec un budget, récolter de l’argent et tout. Nous n’avions plus de vie sociale. J’ai fait le choix d’arrêter de travailler en tant qu’étudiante. Nos weekends, nos soirées et les frais de téléphone, tout pour Dafa Yow.
Mohamed: Oui, nous avons organisé une conférence, une soirée de solidarité, pour sensibiliser les gens à la problématique des talibés et les problèmes qui se posent en Afrique. Et cela nous a permis de récolter des fonds, de sensibiliser la population et de responsabiliser les jeunes. Il y a deux noyaux: on travaille avec les jeunes, pour leur permettre de sortir du quartier et prendre conscience d’eux-mêmes, qu’ils voient comment se développe un projet. Que ce qui n’est pas si difficile que ça. Et cela fait effet boule de neige, car eux-mêmes sensibilisent des gens et ainsi de suite.

Etait-ce dur de récolter les fonds pour votre projet?
Mohamed: Les gens étaient vite sensibilisés par le projet. Les membres du groupe ont tous des compétences différentes que nous avons mis à disposition du projet. Personnellement j’ai des compétences en infographie pour faire les affiches, d’autres dans le social et d’autres en communication. Nous avons pu organiser des événements. Par exemple une conférence avec 100 jeunes. Certaines personnes sont étonnées de constater qu’il y a 100 jeunes qui s’intéressent à participer à une conférence sur un projet humanitaire.

Oui c’est étonnant, parce que l’humanitaire n’attire pas toujours la foule?
Mohamed: Pourtant l’humanitaire attire l’attention, mais certains croient que c’est de l’humanitaire touristique, pensant s’amuser sur place. C’est assez difficile de distinguer. Ils risquent d’être déçus s’ils savent que nous dormons sous un moustiquaire, dans des dortoirs, où il y a des cafards et aucun confort. On mange tous les jours là même chose.

Vous prévoyez une sélection au préalable pour les prochains voyages humanitaires?
Mohamed: Oui, on compte faire cette sélection sous forme d’interview, avec CV et lettre de motivation, afin que la personne ne soit pas déçue, et qu’on puisse avoir un bon résultat et que la personne puisse y contribuer, autant pendant l’année de préparation, que durant le séjour sur place. L’année de préparation compte pour 80% de la réussite du projet. Par la même occasion cela permet de développer l’esprit d’entreprenariat. Il y a plusieurs volets qu’on exploite.

Qu’avez-vous accompli sur place durant l’été dernier?
Mohamed: On avait plus de 500 kilos de bagages, avec notamment des dons de vêtements. L’action était un cartable avec fournitures scolaires pour tous. Ainsi que des livres pour la bibliothèque qui était un axe important dans notre projet Sur place nous avons acheté du matériel pour retaper tous les dortoirs, peintures, ponçage, etc… On a réinvesti dans l’économie locale. On ramène des sommes et on fait travailler l’artisan sur place. Nous avons également été labourer sur place, faisons de la peinture, des fresques dans la Daara de Malika. Chaque enfant a pu ajouter son nom sur le mur. Ainsi ils ont un souvenir, c’est une trace de l’action qu’on a mené avec eux.

Après l’aboutissement de ce projet, quel sentiment aviez-vous?
Samira: Un sentiment de soulagement, on est content et fiers. Car au début on ne nous croyait pas, nous entendions “vous n’allez pas y arriver”, etc. Surtout des adultes car nous étions trop jeunes, selon eux. Ils trouvaient que notre projet était trop ambitieux. Il y a eu des lacunes comme toute autre association. C’était un défi de gérer 12 personnes durant 5 semaines.
Mohamed: Un jeune, il est naïf et ambitieux. Un adulte prend plus de recul. Il a d’autres qualités mais aussi d’autres défauts. On profite des qualités du jeune pour concrétiser le projet, et cela a été notre force, avec d’autres atouts de notre génération.

Quel constat pouvez-vous faire après le retour de votre dernier voyage au Sénégal?
Mohamed: Cette année, comme les jeunes sont partis au Sénégal, en revenant tout le monde était motivé pour bouger et être actif. Les jeunes, motivés par leur expérience, encouragent d’autres jeunes en parlant de leur expérience. Ceux qui l’ont vécu, ont envie de porter un autre projet. C’est un ajout à la crédibilité du projet, il s’agit d’un discours assez horizontal. C’est un jeune qui parle à un jeune. C’est par des jeunes pour les jeunes.

Qu’avez-vous retenu de ce voyage? Qu’est-ce qui vous a marqué personnellement?
Mohamed: Nous étions le plus marqués par l’humilité et l’accueil des gens. On l’entend souvent, on a du mal à y croire mais quand on vit cette expérience, on se rend compte qu’on a encore beaucoup de choses à apprendre.On se rend compte qu’avec ce qu’on leur donne, ils nous donnent beaucoup plus en retour. Donc il y a cette tendance à dire “il faut que j’y retourne, car ils m’ont donné de trop, et moi j’ai donné si peu”. Le matériel est peu à côté d’un sourire. C’est vraiment le plus marquant.
Vous avez déjà montré votre projet à d’autres et comptez le refaire le 23 janvier 2010. Cela vous fait quoi de montrer votre projet - né de l’ambition de jeunes - à un public adulte?
Samira: En portant des projets comme ceux-là, on a hâte de recevoir le feedback du public, de ce que l’on croit être bien. On collabore à d’autres événements, c’est différent du milieu associatif jeune qu’ on a l’habitude de côtoyer.

N’est-ce pas trop difficile de transmettre vos idées et vos arguments aux autres?
Mohamed: Du moment qu’on a la preuve que ça marche et qu’on peut porter un tel projet, il n'y a aucun problème. Grâce à l’association “Répères” j’ai appris énormément, ce qui m’a permis d’avoir des contacts à la construction de notre projet. Nous avions déjà les cartes en main. Nous avons pu avancer sans trop trébucher.
Samira: On veut faire comprendre qu’on est jeune, mais qu’on peut réaliser des choses. On nous reproche qu’on rêve trop. On parle beaucoup avec le cœur aussi.

Porter un tel projet et vouloir le renouveler, cela doit demander beaucoup d’efforts. Cela vous motive à faire quoi à l’avenir?
Samira: On travaille justement les bases solides de l’association afin de pouvoir rebondir plusieurs fois et être dans la continuité, au long terme et ne pas faire quelques chose de bref et puis disparaître du champs humanitaire.

*Dafa Yow vient de Dafa'l'Yow qui veut dire “Fais-le toi-même”.